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corps, ne jouissent pas de cette propriété. N’est-il pas probable que, dans le premier cas, l’acide existe tout formé dans le composé ? Toutes les combinaisons de la morphine, connue grâce à des souvenirs de cours d’assises, sont des poisons très énergiques malgré la diversité de leurs formules et de leurs aspects. Comment pourrait-on concevoir que tous ces corps eussent tant de propriétés communes, s’ils ne renfermaient pas un même groupe, lorsque des substances d’une composition bien plus analogue à celle de la morphine n’ont aucune action sur l’économie animale ? Si ce groupe n’existait pas, on ne concevrait point pourquoi l’une de ces combinaisons ne serait pas un aliment, l’autre un remède, la troisième une matière colorante. Tous les composés d’indigo sont bleus, rouges, jaunes, etc. On ne peut attribuer cette coloration ni à la nature des atomes qui constituent l’indigo et ses annexes, car bien d’autres corps sans couleur ont une composition analogue, ni ; ’i leur nombre, car il est très variable. Il y a dans tous ces composés quelque chose de commun, un certain groupe d’atomes auquel ils doivent leurs propriétés communes. Ces exemples choisis presque au hasard, d’autres preuves tirées de la cristallisation et de l’action de la lumière, démontrent clairement que l’arrangement des molécules n’est pas fortuit, mais qu’il est soumis à certaines règles. C’est à la théorie qui, depuis Lavoisier, préside à cet arrangement, que l’on a donné le nom de dualisme.

Le dualisme nous enseigne que toute substance composée de plus de deux élémens est due à la combinaison de deux corps qui existent tous deux distincts, [quoique unis dans le résultat. Presque toutes les substances qu’étudie la chimie minérale portent le nom de sels, et sont dues à la combinaison d’un acide et d’une autre substance qui porte le nom de base, et l’on admet que dans la molécule du sel l’acide et la base existent tout formés, mais combinés ensemble, comme dans l’acide ou dans la base le sont les deux élémens simples. On fait en outre intervenir l’électricité. On sait que l’exigence de la théorie conduit à supposer que ce fluide est de deux sortes, l’électricité positive et l’électricité négative, qui ont des propriétés inverses, et qui, réunies, se neutralisent. L’un des corps est, dit-on, chargé d’électricité positive, l’autre d’électricité négative, et l’affinité qui tend à les joindre n’est rien autre chose que la force qui attire ces deux fluides l’un vers l’autre. Tel est le principe que nous ne pouvons énoncer ici que d’une manière générale et un peu grossière. C’est là-dessus qu’est fondée toute la nomenclature. Voici comment les chimistes le démontrent. Un sel est souvent décomposé par un autre sel ; ils échangent leur base et leur acide, et on en déduit que l’acide et la base subsistaient tout formés dans les sels primitifs. Si l’on soumet un sel à un courant électrique,