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recherches qui ont occupé sa vie serviraient seulement à montrer que ce que l’on croit savoir, on ne le sait point en réalité, que ce qu’on croit comprendre a encore besoin d’explications et de démonstrations, nous les trouverions fort utiles. L’histoire de la science prouve à chaque pas que la découverte et l’exposition des défauts d’une théorie admise sont souvent plus utiles au progrès que l’invention de doctrines nouvelles et que la découverte de faits inconnus. Signaler l’erreur, c’est faire un grand pas sur le chemin de la vérité.

La première question qui se présente est celle-ci : — y a-t-il une prédisposition dans l’arrangement des atomes, ou au contraire sont-ils réunis au hasard dans les composés ? Tous les chimistes sont d’accord pour admettre cette prédisposition, et on en donne de nombreuses et excellentes preuves. Certains corps en effet, ayant non-seulement la même composition sous le rapport de la qualité des élémens, mais aussi contenant ces élémens dans la même proportion, ont des propriétés très différentes. On retire d’une résine, le benjoin, un acide particulier auquel on a donné le nom d’acide benzoïque. On peut produire artificiellement le même corps, quant à la composition et aux propriétés ; seulement, dans le premier cas, il a l’odeur suave et caractéristique du benjoin ; dans le second, il est inodore. Nous avons déjà dit que les essences de térébenthine, de citron et d’orange ont identiquement la même composition, exprimée par la même formule. Le sucre de canne ne diffère de la Comme que parce que sa molécule contient, de plus que la molécule de gomme, de l’oxygène et de l’hydrogène dans la proportion convenable pour former de l’eau, et il est cependant bien clair que les atomes sont dans le sucre tout autrement groupés que dans la gomme à laquelle on ajoute de l’eau, bien plus, l’acide acétique, ce liquide qui remplit les flaçons des femmes sous le nom de vinaigre des quatre voleurs, renferme les mêmes élémens que le sucre de fruits et dans la même proportion ; seulement la molécule du sucre est formée de trois fois plus d’atomes que celle de l’acide acétique. Il en est de même du sucre de lait, qui a la même composition qualitative et quantitative qu’un acide qui se produit par la fermentation du lait, l’acide lactique. N’y a-t-il pas là des différences évidentes dans la constitution atomique ? Les sucres de lait et de fruits se convertissent en acide lactique et en acide acétique sans absorber et sans éliminer aucun élément ; les changemens de propriétés que leurs molécules éprouvent par cette métamorphose doivent donc provenir d’une modification dans l’arrangement des atomes. Tout corps dû à la combinaison de l’acide azotique avec une autre substance détonne quand il est chauffé, et le salpêtre est le plus connu de tous ces composés. D’autres substances, qui contiennent les élémens de l’acide azotique, mais qui ne sont pas obtenues par son union directe avec un autre