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M. Dumas, appuyé sur des considérations chimiques sérieuses, a pu presque affirmer que l’hydrogène, ce gaz si léger, qui traverserait les flancs des aérostats si on l’employait pur dans les ascensions, aurait à l’état solide un aspect métallique analogue à celui du fer ou du plomb. Cette constance dans la combinaison, les lois précises auxquelles elle obéit, sont les fondemens de la science. On conçoit que la chimie serait impossible, si le hasard seul décidait de la composition des corps, et si chacun pouvait les modifier à son gré.

Lorsque deux corps simples se combinent, chaque atonie de l’un vient s’unir à un ou à plusieurs atomes de l’autre pour former un atome du composé ; mais qu’arrive-t-il lors de la combinaison de deux corps composés ? Dans la molécule du résultat, ces deux composés subsistent-ils ? ou ne trouve-t-on de traces d’aucun des deux dans le produit ? Les élémens des substances combinées s’unissent-ils au hasard, ou doit-on les retrouver dans le composé groupés de la même façon qu’ils l’étaient dans les ingrédiens ? Un exemple fera mieux comprendre notre pensée. La rouille, corps composé d’oxygène et de fer, peut se combiner à l’eau forte ou acide azotique, combinaison d’oxygène et d’azote, pour former un sel qui prend le nom d’azotate de fer. Chacune des molécules de ce sel est-elle formée d’un atome de rouille uni à un atome d’acide azotique, ou bien l’oxygène de la rouille s’unit-il à l’acide azotique, et le composé qui en résulte se combine-t-il au fer, ou enfin la molécule d’azotate de fer se compose-t-elle d’atomes de fer, d’oxygène et d’azote unis sans ordre ? En un mot, y a-t-il une prédisposition dans l’arrangement des atomes d’où résultent les propriétés des composés ?

Cette recherche des élémens des corps et de leur mode de combinaison est délicate, et Newton la croyait au-dessus de la sphère de nos connaissances. L’intérêt même en parait douteux. On doit bien s’attendre cependant que les réactions d’un système matériel seront différentes, suivant qu’il aura une constitution moléculaire homogène ou hétérogène, et, dans ce dernier cas, selon la nature des groupes qui s’y trouveront associés. Il importe en outre aux progrès et à la clarté de la science que tous les corps aient des noms faciles à retenir et indiquant leur composition. Il faut que les substances semblables par leur constitution aient des noms analogues. On se souvient encore de l’admirable rapport de Lavoisier et de Berthollet sur la nomenclature chimique, et l’on sait que de ce rapport date la science claire et rationnelle. Les noms des composés doivent être formés avec ceux des substances composantes, et ils doivent indiquer les principales propriétés du corps qu’ils représentent. Ainsi le nom d’azotate de fer est formé avec les noms du fer et de l’acide azotique. Cependant quelle utilité auront ces noms, s’il ne subsiste dans