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peut les séparer. Si on fait la même expérience avec des liquides colorés, on obtient aussi une couleur composée ; seulement le microscope ne suffit plus à reconnaître chacun des ingrédiens ; les molécules sont trop ténues et le mélange trop intime pour qu’on puisse rien distinguer. Cependant ce n’est pas là une combinaison, c’est un simple mélange. Les propriétés chimiques du liquide obtenu sont identiques à celles des liquides employés, les propriétés physiques ont seules varié et sont intermédiaires entre celles des ingrédiens. Si au contraire on verse l’une dans l’autre deux solutions parfaitement limpides, l’une d’acétate de plomb, c’est-à-dire de plomb dissous dans du vinaigre, l’autre d’hydrogène sulfuré (substance bien connue par son odeur de ceux qui ont pris les eaux de Cauterets ou de Baréges), il se précipite au fond du vase une substance noire très différente des corps employés, et le liquide qui surnage n’offre ni l’odeur d’oeufs pourris de l’hydrogène sulfuré, ni le goût sucré des sels de plomb. Il y a changement dans la nature intime des ingrédiens, et production d’une substance qui n’existait pas auparavant. Dans le premier cas, il y avait mélange ; dans le second, il y a combinaison.

Les corps combinés offrent une masse homogène dans laquelle les microscopes les plus parfaits ne peuvent indiquer aucune trace des composans, et des moyens chimiques peuvent seuls les séparer. Leurs propriétés sont en outre différentes de celles des ingrédiens employés. Lorsque la combinaison a lieu, il se dégage en général de la chaleur, parfois de la lumière et toujours de l’électricité. C’est qu’alors les atomes de chaque substance se juxtaposent, et forment les molécules insécables du nouveau corps. La force qui réunit les atomes identiques porte le nom de cohésion ; celle qui tend à joindre les molécules de nature différente pour former un composé est l’affinité. La première ne dépend que de la figure des molécules, la seconde varie à la fois avec leur forme et avec leur nature. Il est important de remarquer que, tandis que les mélanges peuvent se faire en toute proportion, les combinaisons sont soumises à des lois précises. Une substance ne peut s’unir chimiquement à une autre que pour former certains composés, dont lit nature est invariable. Les procédés d’analyse auxquels on soumet un corps y indiquent toujours les mêmes proportions de matière, quelles que soient les circonstances dans lesquelles il a été produit, qu’il soit naturel ou artificiel, qu’il soit solide, liquide ou gazeux, et les chimistes sont habitués aujourd’hui à ne tenir aucun compte de l’état physique, car ils savent que cet état ne dépend que de la température et de la pression. L’eau, la glace, la vapeur, qui s’échappe de nos machines, sont la même substance, composée des mêmes élémens, dans la même proportion. On sait que tous les corps peuvent prendre tour à tour ces diverses formes, et l’on a si peu de doutes sur ce point, que