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livre, l’ouvrage sur la chimie d’un élève de Stahl, Neumann. Il cherchait la vérité en étudiant les corps mêmes, leurs formes et leurs réactions. Ses mémoires sont des modèles d’investigation scientifique, et avec un laboratoire mal monté, avec des instrumens très imparfaits, il a su isoler les corps les mieux cachés, produire les composés les plus inattendus. — Priestley au contraire n’était expérimentateur et même chimiste que par occasion. La nature de son esprit était toute différente. Successivement commerçant, prédicateur, théologien, chapelain de lord Shelburne, il savait le latin, le grec, l’hébreu, l’allemand, etc. Il a laissé plus de quatre-vingts volumes de philosophie, qui ont agité l’Amérique et l’Angleterre. Au milieu d’une vie occupée par les querelles, les prédications et aussi les persécutions religieuses, il trouva le temps de contribuer aux progrès de la chimie presque autant que Scheele lui-même, et de découvrir des procédés d’expérience encore utiles aujourd’hui. Ainsi c’est à Priestley que l’on doit l’appareil à recueillir les gaz, dont il trouva le premier l’importance et la fréquente production. — Lavoisier enfin, plus théoricien que l’un et plus pratique que l’autre, vient se placer à leur tête. Tout en faisant des découvertes pour son propre compte, il généralise leurs observations, il redresse et vérifie leurs hypothèses. Tous trois par exemple ont découvert l’oxygène ; Lavoisier seul a donné de la combustion la théorie qui subsiste encore aujourd’hui, tandis que Scheele décrivait les propriétés du gaz et les cas où il se produit, mais sans déterminer exactement son rôle, et que Priestley se perdait dans de vaines hypothèses sur le phlogistique. À la suite de Lavoisier viennent se placer Fourcroy, Berthollet, Dalton, Gay-Lussac, Proust et M. Thénard, qui à la fin du siècle dernier ou au commencement de celui-ci ont continué et développé son œuvre, et à des litres divers méritent une importante place dans l’histoire de la science.

Tandis que ce mouvement s’accomplissait en France, une découverte venait en Angleterre agrandir le champ des expériences et commencer une époque nouvelle. Un homme que l’on a souvent comparé à Lavoisier, Davy, débutait avec éclat par l’application, inconnue alors, de l’électricité à la chimie, et son mémoire eut la singulière destinée d’être couronné par l’Académie des Sciences en 1807, tandis qu’une guerre acharnée divisait les deux pays. Jusqu’à Davy, on n’avait employé à la décomposition des corps que la chaleur ou la force chimique elle-même, l’affinité. À l’aide d’un nouvel agent, et d’un agent aussi puissant, Davy dédoubla les corps qui paraissaient les plus rebelles. Il montra par exemple que ce que l’on appelait alors les terres, c’est-à-dire la chaux, la potasse, la soude, l’alumine, etc., ne sont point des substances élémentaires, mais résultent de la combinaison de l’oxygène de l’air avec des métaux.