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de la zingara, qui est d’une couleur plus sombre et plus vigoureuse. Le duo pour ténor et contralto, entre Manrico et Azucena, est fort décousu, et c’est à peine si on distingue le passage en ut majeur que Mme Borghi-Mammo accentue avec beaucoup d’énergie. Le meilleur morceau du second acte, qui est aussi l’un des meilleurs de tout l’ouvrage, c’est l’air de baryton dans lequel le comte exprime son amour pour Léonore. Cet air, dont M. Graziani chante l’andante d’une manière charmante et qu’on a grande raison de lui faire répéter, est suivi d’un chœur, coupé d’une manière originale, qui sépare la première partie de l’allégro qui la complète. Cette seconde partie de l’air n’est malheureusement pas aussi distinguée ; on remarque surtout dans l’accompagnement l’intervention d’un cornet à piston qui produit l’effet d’une scène de bal masqué, autre contre-sens qui donne la mesure des prétentions de M. Verdi. Le chœur de religieuses qui se chante derrière les coulisses n’a rien de saillant, et le finale qui termine le second acte se recommande par la petite phrase entrecoupée que chante Léonore, et qui forme le début d’une quintette ou pesso concertato, comme le qualifie l’auteur. Ce morceau d’ensemble, avec accompagnement de chœur, a de la couleur et produit un assez bon effet. Le troisième acte, qui a pour titre : Il figlio della Zingara, débute par un chœur, toujours à l’unisson, qui rappelle celui du quatrième acte des Huguenots, et ce n’est pas là le seul emprunt que M. Verdi ait fait à Meyerbeer. Le trio pour contralto, ténor et laisse, entre le comte, Azucena et Manrico, produit de l’effet, mais un effet violent, qui fatigue par sa monotonie. L’air de ténor avec accompagnement de chœur que chante Manrico est d’un style tourmenté, commun, et termine assez pauvrement le troisième acte.

Le quatrième acte, qui est le plus important de tous, mérite aussi que non l’analysions de plus près. Manrico, il trovatore, et la zingara ont été arrêtés par l’ordre du comte et jetés dans une prison. Léonore vient exprimer sa douleur dans un air qu’elle chante au pied de la tour où est entériné son amant. Tout à coup on entend un chœur invisible de voix étouffées qui, dans l’obscurité de la nuit, laissent échapper ces tristes paroles :

Miserere d’un alima gia vicina
Alla partenza che non ha ritorno.


« Ayez pitié d’une âme prête à partir pour le voyage sans retour. » Ce chœur, d’un style religieux, et sur lequel plane le glas d’une cloche mortuaire, fait tressaillir la pauvre femme, qui exprime ses angoisses par un fragment de mélopée pleine de trouble et de terreur. Après ce premier épisode, une voix plaintive, qui est celle de Manrico, chante, du haut de la tour où il est enfermé, ces paroles non moins significatives :

Ah ! che la morte ognora
E tarda nel venir
A chi desia morir.
Addio, Leonora…


<i Ah ! que la mort est lente à venir pour celui qui la désire. Adieu, Léonore… » La mélodie, soutenue d’un simple accompagnement de harpe, est d’une mélancolie touchante. Le chœur funèbre recommence à chanter la strophe déjà