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sauvage dépourvue de variété, une grande uniformité dans la combinaison des effets, qui sont presque toujours les mêmes. Voilà ce que nous avons eu occasion de remarquer dans Nabucco, le meilleur des ouvrages de M. Verdi, dans Lombardi, dans Ernani, dans i Due Foscari, dans Luisa Miller.

Né à Busseto près de Parme le 9 octobre 1814, M. Verdi, qui est âgé de trente-neuf ans, a déjà composé dix-neuf opéras qui ont tous obtenu un très grand succès en Italie. Il Trovatore, dont le poème est de Cammarano, a été écrit à Rome pour le théâtre Apollo, où il a été représenté le 17 janvier 1853.

Il n’y a pas d’ouverture, mais une simple introduction où un subalterne. Fernando, raconte l’histoire de l’enfant enlevé par la bohémienne. Ce récit, encadré dans un rhythme assez piquant, n’a rien de particulièrement remarquable, si ce n’est que les fréquentes interruptions du chœur sont presque toutes à l’unisson, procédé commode que M. Verdi emploie constamment dans tous ses ouvrages. Le chœur d’un mouvement rapide qui vient après, et qui est également écrit à l’unisson, est assez original et produirait beaucoup d’effet, s’il était moins court. L’air que chante Léonore en racontant à son amie Inès les circonstances où elle vit et entendit pour la première fois Manrico le troubadour rappelle trop fidèlement la cavatine d’Ernani. Toutefois nous signalerons dans cet air un passage délicieux, celui qui accompagne ces mots :

Dolci s’udiro e flebili
Gli accordi d’un liuto.

La phrase musicale monte par degrés chromatiques, et puis s’arrête sur une note accentuée (le fa) pour reprendre son cours jusqu’au si aigu, qui prépare heureusement la cadence. L’allégro qui en forme la seconde partie est dans ce style haché et violent que M. Verdi affectionne, et qui, pour un compositeur qui vise avant tout à la peinture des passions, présente un contre-sens. Après une romance de ténor dans laquelle il trovatore exhale dans la solitude et le silence de la nuit l’amertume de son âme,

Deserto sulla terra
Col rio destin in guerra
È sola speme un cor,
Al trovator.


romance qui est d’un caractère triste et distingué, — surtout la phrase ascendante qui précède la cadence, — vient un trio entre Léonore, le comte et Manrico. Ce trio violent et passionné, qui a le grave défaut d’être écrit à deux parties, puisque le soprano et le ténor chantent toujours à l’unisson, termine le premier acte. Le second acte s’ouvre par un chœur de bohémiens avec accompagnement de marteaux frappant sur des enclumes et toujours à l’unisson, après lequel la zingara Azucena raconte à Manrico le sort affreux de sa mère. Le chant qui développe ce récit ne manque pas d’originalité, et Mme Borghi-Mammo le dit comme une grande artiste qu’elle est. Le chœur qui complète ce récit, toujours à l’unisson, prépare la seconde partie de l’air