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atmosphère enivrante, elle n’en veut plus sortir. La soif du luxe, des élégances la dévore. Elle repousse l’homme qu’elle aime et qui est pauvre, pour conquérir un homme riche, qui a la bonhomie de l’adorer éperdument, et si son secret est dévoilé, elle se rejette avec une froide fureur dans le monde, pour aller épouser quelque prince valaque qu’elle abandonnera plus tard pour aller vivre à Venise. Ainsi se dévoilent à travers ces récits animés quelques-uns des aspects profonds et mystérieux de cette société qui peut avoir sa place sans doute dans la civilisation universelle, mais non à titre de conquérante et de dominatrice.

Voilà le malheur de ces questions comme celle qui agite aujourd’hui le monde : elles se montrent sous toutes les formes ; elles renaissent de l’étude d’une fiction romanesque aussi bien que de la politique ; on les trouve partout, dans tous les pays qui vivent sous l’empire de la loi européenne. Ces pays cependant ont leur vie propre, leurs intérêts, leurs luttes, leur travail intérieur. La Suisse, avait, il y a peu de temps, une courte session de son assemblée fédérale. Le président de la confédération a été renouvelé, et c’est M. Furrer qui a été nommé. Du reste, la situation générale de la Suisse se ressent encore des événemens qui ont transformé, il y a quelques années, ses institutions politiques. Le radicalisme qui est arrivé au pouvoir par ces événemens s’est efforcé de s’y maintenir en se modérant quelque peu et en prenant un caractère gouvernemental ; mais alors il a eu contre lui le radicalisme plus avancé, qui l’avait aidé dans sa victoire, et le parti conservateur, qu’il avait vaincu. Les luttes ont pris une extrême vivacité, notamment dans les cantons du Tessin et de Fribourg ; elles se renouvellent incessamment. Le parti conservateur a évidemment l’immense majorité dans le pays, les votes les plus significatifs le prouvent ; les radicaux ne s’obstinent pas moins à rester au pouvoir, où ils ont pris soin de s’établir pour longtemps, en garantissant la durée de leur autorité par des constitutions cantonales dont la révision est sujette à mille difficultés, C’est ainsi que dans le canton du Tessin une manifestation récente pour la révision de la constitution a échoué. Une commission de conciliation avait été nommer ; d’abord pour arriver à une transaction. On ne s’est plus entendu sur la question de savoir si la révision de la constitution serait faite par le grand conseil actuel ou par une assemblée nouvelle. Ces débats s’agiteront encore sans nul doute, comme ils s’agitent sur plus d’un autre point de la Suisse. Ils forment le caractère principal de la situation intérieure de la vieille république helvétique. Telle qu’elle est cependant, cette vie politique de la Suisse a sa régularité, qui préside au développement pacifique de tous les intérêts du pays.

Mais en est-il ainsi en Espagne ? S’il est un trait caractéristique de l’état de la Péninsule, c’est que rien ne s’y affermit, rien ne s’y organise ; l’incertitude est partout, le pouvoir et la direction nulle part. Il y a six mois déjà que le duc de la Victoire est à la tête du conseil à Madrid, maître absolu du gouvernement, on peut le dire ; il y a deux mois qu’une assemblée s’est réunie avec des pouvoirs souverains et constituans. Qu’est-il sorti de ce mouvement extraordinaire d’une révolution, de ces situations exceptionnelles et anormales ? On en est encore à savoir sous quel régime vit l’Espagne, à quelle force s’appuyer. Un jour le gouvernement, par l’organe du général Espar-