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Parcourez l’univers, montez jusqu’aux étoiles ;
Sans pâlir, s’il se peut, soulevant tous les voiles,
Dans l’abîme cherchez l’atome et le géant,
Sûrs de ne rencontrer nulle part le néant ;
Puis, les pieds blancs encor de la neige des pôles,
Poètes, visitez ces grandes métropoles
Où l’Esprit parle haut plus qu’en tout autre lieu,
Où comme dans Éden erre l’ombre de Dieu,
Où le céleste Amour aime à visiter l’homme :
Telle autrefois Sion et telle aujourd’hui Rome.

Ville ! dans quel effroi mêlé de piété
Moi, faible, j’arrivai devant ta majesté !
Je murmurais : « Artiste, et prêtresse et guerrière,
De quel nom t’appeler, toi partout la première ? »
Et comme un néophyte en marchant vers l’autel,
Je murmurais encor chaque nom immortel.
Mais bientôt me voilà perdu dans ses ruines,
Poète-voyageur, et sur les sept collines
Admirant les forums, les temples, les tombeaux,
Et les marbres savants et les savants tableaux.
Et les héros, les saints, de Romulus à Pierre,
Marchaient à mes côtés couronnés de lumière.
Sol sacré ! terre épique ! Un soir, ivre d’amour,
Ainsi je résumais l’emploi de chaque jour :

En habits négligés sortir de sa demeure,
Entrer dans une église ou dans un grand palais,
Savourer la nature et les arts à toute heure,
Telle est la volupté tranquille où je me plais.

Du royal Aventin aux jardins de Salluste
J’erre ainsi, repassant mes auteurs d’autrefois :
En allant au sénat, sur ces marbres, Auguste
Avec les bruns enfants, dit-on, jouait aux noix.

Prenons la voie antique où, tout pensif ; Horace
Cherchait des vers ; voici le saint dépôt des lois ;
Ici tomba César ; premiers de notre race,
Ici le glaive en main parurent les Gaulois.

Puis c’est la Voie Appienne, où seul arriva Pierre
Pour la tâche où son maître en mourant l’appelait :
Le dôme qui reluit au loin dans la lumière
Prouve que le pêcheur jeta bien son filet.