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un moyen artificiel d’opérer, dans un espace limité, des changement considérables et brusques qui pourraient modifier nos espèces existantes ? Admettons par exemple que, rassemblant un grand nombre d’insectes ou de petits animaux vertébrés de tout âge, de tout état de santé et de maladie, on change tout à coup l’air qu’ils respirent, tant pour sa nature chimique que pour sa température et son arôme. S’il y a, par exemple, mille individus, il n’en subsistera que vingt, — peut-être dix, — peut-être encore moins, — après cette rude épreuve ; mais admettons qu’un seul même y résiste et qu’il soit fort jeune : voilà un animal qui se développera dans un milieu tout différent du premier, et qui pourra changer considérablement sa nature primitive, et cela sans attendre une nouvelle catastrophe, sans en courir les risques, sûrement mortels pour notre espèce. Nous pourrions savoir ainsi quelque chose de nouveau sur une matière bien importante. J’ai déjà parlé aux lecteurs de la Revue des immenses chambres de cristal dans lesquelles M. Ville fait végéter les plantes, dont il observe les actions organiques sur l’air, avec les rayons du soleil comme à ciel ouvert. Eh bien ! si dans des appareils semblables on soumettait des plantes ou des animaux aux épreuves que je viens d’indiquer, qui sait ce qu’on en apprendrait ? Paracelse avait, dit-on, dans un bocal, un petit homme qu’il avait produit à l’aide de la chimie, et qu’il consultait avec avantage. Évidemment c’était un tour d’escamotage. En admettant toutefois que des expériences de cette nature pussent réussir, ne serait-il pas extrêmement curieux d’évoquer pour ainsi dire à l’avance une partie de la future population du monde ? Je suis parfaitement sûr d’avoir entendu dire en bon lieu que l’homme était un ancien crocodile, qui, à la dernière catastrophe, s’est transformé et développé dans son organisation de manière à s’allier avec le nouveau principe, c’est-à-dire la pensée. Alors les diverses races humaines seraient descendues de divers crocodiles plus ou moins modifiés dans le changement météorologique du globe !

Mais gardons-nous de rire en ce grave sujet,

J’ai toujours soutenu victorieusement cette thèse, qu’il faut savoir ignorer. Toutes les fois qu’un fait nouveau, une découverte scientifique quelconque se fait jour, on lui demande le secret de bien des choses qu’elle est impuissante à révéler. Combien de fois n’a-t-on pas en médecine espéré obtenir des cures merveilleuses par l’électricité, le galvanisme et les influences nerveuses avec ou sans le concours de l’imagination ! On a de même espéré que les découvertes de la chimie, de la physique et de l’astronomie surtout nous éclaireraient sur des questions métaphysiques ou théologiques que l’esprit humain poursuit en vain depuis le commencement du monde.