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somme, il faut laisser la théologie aux théologiens, qu’ils s’accordent entre eux ou non.

Non nostrum inter vos tantas componere lites !

Je prie le lecteur de croire que dans un sujet si sérieux je n’ai indiqué qu’avec réserve et avec le respect dû à la chose en litige, les argumens des deux adversaires. Ils n’ont pas été aussi circonspects à beaucoup près, et on peut même taxer de légèreté les assertions qu’ils se permettent sur les convenances et les circonstances de la rédemption ou des rédemptions qu’ils admettent ou nient, ainsi que sur celui par qui s’est opéré, oui ou non, le rachat des âmes pécheresses sur la terre et ailleurs. N’imitons pas ce laisser-aller de théologie protestante. Remarquons que Fontenelle, qui expressément peuplait la lune d’êtres intelligens, s’était tiré d’embarras en vrai Normand et sans beaucoup de peine, en déclarant que les habitans de la lune n’étaient pas des hommes, et que par suite il n’y avait rien à leur appliquer de ce qui concerne l’humanité. Aussi n’essuya-t-il aucune censure théologique ou métaphysique.

Passant maintenant à la métaphysique, ordre d’idées moins scabreux que les idées théologiques, est-il possible de méconnaître toutes les raisons qui militent en faveur de l’opinion qui admet la pluralité des mondes ? Pour raisonner solidement, jugeons d’après les faits. Nous voyons sur notre terre d’abord des substances matérielles soumises aux lois de la mécanique, de la physique et de la chimie. De ce nombre sont les parties solides qui constituent les continens, les eaux des mers et des fleuves, les gaz de l’atmosphère et ceux qui s’exhalent de la terre ; c’est le règne inorganique, le règne minéral ; la vie n’est nulle part. Tel était le globe au moment des formations primitives. Ce globe ayant marché vers une période de refroidissement, la vie y a paru par les végétaux d’abord, lesquels n’ont que le principe vital en sus de la substance matérielle. Il est convenable de penser que le créateur avait dans sa prescience organisé tout pour que, dès que le principe de la vie pourrait apparaître dans le monde, la possibilité de la vie se transformât en réalité. En un mot, il semble convenable à l’idée que nous nous faisons de la sagesse suprême qu’il n’ait pas été besoin alors d’une nouvelle opération. On en dira autant pour le principe de l’instinct ou de la volonté, que les animaux possèdent à l’exclusion des végétaux, et qui s’est développé spontanément au moment où les animaux ont pu vivre sur la terre ou dans les eaux. Plusieurs catastrophes, dont les profondeurs de la terre gardent des témoignages, ont modifié à plusieurs reprises la vie animale et la vie végétale jusqu’à la dernière et récente catastrophe qui a introduit sur la terre l’homme, c’est-à-dire l’âme, principe