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les habitans très hypothétiques du soleil, et avant de les interroger sur les mouvemens célestes, il serait convenable de leur adresser la bizarre question du Macbeth de Ducis : « Existez-vous ? »

L’essai du docteur Whewell, la réfutation un peu vive de sir David Brewster, sont deux ouvrages essentiellement théologiques. L’un et l’autre auteurs ont profité de la nature du sujet pour faire un docte tableau astronomique et géologique du monde et de la terre. Le point de départ du docteur Whewell se trouve dans les Sermons ou Discours astronomiques du docteur américain Chalmers, qui a pris pour texte ces belles paroles du psalmiste : « Quand je considère, ô Seigneur, les cieux qui sont l’œuvre de vos mains, la lune et les astres que vous avez mis en ordre, je me dis : Qu’est-ce que l’homme pour que vous pensiez à lui, et que sont les enfans des hommes pour que vous les visitiez ? »

Le docteur Chalmers passe de la toute-puissance du créateur à sa bonté, et, admettant que toutes les masses célestes sont peuplées, il fait le tableau de ce domaine infini de la Divinité ; il la montre étendant son empire sur une infinité d’êtres raisonnables qui par la pensée communiquent avec elle de tous les points de l’univers. Cette vaste domination élirait le docteur Whewell. Il prend à la lettre les paroles du psaume, et en conclut que, si les hommes sont confondus avec tant d’autres êtres raisonnables et plus ou moins élevés en intelligence, ils auront une importance si petite, qu’ils seront comme n’existant pas.

…Inconnu dans ce lieu,
Je ne pourrai donc plus être vu que de Dieu !

et Dieu même ne se donnera pas la peine de faire attention à notre minime planète. Il ne faut donc pas accepter cette position secondaire ; il faut, malgré toutes les analogies, ne peupler que notre globe d’êtres pensans.

De notre coin de l’univers, même avec des télescopes moyens de deux pieds anglais d’ouverture, nous distinguons cinq ou six mille amas d’étoiles semblables à notre voie lactée et contenant chacun plusieurs millions de soleils. Chacun de ces soleils est le centre du mouvement de nombreuses planètes semblables aux planètes de notre soleil. M. Whewell admet tout cela ; mais de tout ce nombre infini de planètes il n’en choisit aucune pour la peupler. Il entre dans l’amas d’étoiles ou voie lactée qui contient notre soleil. Il passe à côté du brillant Sirius, dont la lumière, suivant le calcul rectifié de sir John Herschel, est plus de cent quarante-six fois la lumière de notre soleil. Il néglige ce puissant soleil et ses planètes, il arrive à Phœbus, notre petit soleil ; il choisit une de ses planètes pour la peupler