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la question de la pluralité des mondes indépendamment de toute opinion théologique. M. Whewell et M. Brewster conviennent l’un et l’autre que la foi chrétienne n’y est pas essentiellement intéressée, mais évidemment ils ne font cette déclaration qu’à regret. Ce sont donc d’autres autorités qu’il faut appeler à prononcer dans un pareil débat. Souvenons-nous que dans des matières bien moins étrangères à la théologie, Pascal disait qu’il était plus facile de trouver des capucins que des raisons.

Les deux ouvrages que nous venons de citer, et que nous avons reçus directement de leurs célèbres auteurs, ont fait en Angleterre une immense sensation ; les éditions à plusieurs milliers d’exemplaires se sont succédé rapidement. Plusieurs métaphysiciens trouvaient commode de n’admettre l’âme et la pensée que dans notre système solaire, et même exclusivement sur notre planète seule. Ils s’ôtaient ainsi tout embarras par rapport à ces êtres intelligens dont on n’avait plus besoin alors de rechercher la nature, analogue ou non à la nôtre, et la destination future. D’autres criaient à l’inutilité d’une si vaste création de mondes physiques, de soleils, de planètes, de lunes, pour arriver seulement à peupler d’êtres pensans notre terre, c’est-à-dire l’une des plus petites planètes qui tourne autour de l’un des cent millions de soleils que notre vue peut atteindre et nos instrumens cataloguer. Comme ici les faits ne peuvent parler, puisque nous n’apercevrons probablement jamais ni les habitans des autres planètes, ni même leurs travaux, c’est aux convenances métaphysiques qu’il faut s’adresser pour avoir l’opinion la plus certaine, ou, suivant l’expression des théologiens, l’opinion la plus probable sur l’existence des êtres vivans, ou vivans et raisonnables, ailleurs que sur notre terre.

C’est une notion maintenant vulgaire que toutes les planètes qui forment le cortège du soleil sont analogues à notre terre. Or, sur cette dernière, depuis une période de siècles presque infinie, la vie a paru et s’est développée sous l’empire de circonstances météorologiques bien différentes de celles qui se sont produites à l’époque de la dernière catastrophe qui depuis un petit nombre de milliers d’années a établi sur notre globe l’ordre physique qui y règne actuellement. Des eaux bouillantes sur un sol incandescent, une atmosphère souillée de mille gaz impurs et d’autant plus chaude qu’elle était plus épaisse, constituaient, à l’origine des dépôts des terrains tertiaires, des dissemblances bien plus tranchées entre la terre ancienne et la terre actuelle que nous n’en pouvons supposer entre cette dernière et les autres planètes à leur état présent, et cependant la vie y prenait naissance. Ainsi rien ne milite contre la probabilité que les planètes contiennent des êtres vivans : on ne peut