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les industries des montagnes de la Loire ont pris, depuis l’ouverture des voies ferrées, un essor inoui. La fabrication des rubans elle-même, qui n’exige pas le transport de matières encombrantes, a profité des routes nouvelles, en ce sens que la facilité des communications a sollicité davantage les voyageurs du commerce et singulièrement développé le cercle des affaires. C’est surtout dans l’industrie de la houille, et dans celle des fers que devait se manifester l’élan imprimé à la production. L’extraction de la houille, qui, en 1830, ne s’élevait dans le bassin de la Loire qu’à 683,000 tonnes, arrive, dix ans plus tard, en 1840, à plus de 1,100,000 tonnes[1]. Nulle part au reste, on n’aperçoit mieux que dans l’industrie houillère toute l’influence qu’exercent sur le développement de la production la facilité et le bon marché des transports.

Jusqu’à l’établissement du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon, les usines métallurgiques que la présence du combustible avait fait surgir dans le pays étaient dans un état très languissant. Des déficits annuels propageaient le découragement ; mais le chemin de fer vint permettre de réaliser une économie de 8 à 10 pour 100 par tonne sur le prix de revient des minerais amenés des bords du Rhône. Une réduction analogue fut effectuée sur le transport des produits fabriqués acheminés vers Lyon. Dès ce moment, les hauts-fourneaux et les forges reprennent courage et se multiplient. La production de la fonte, qui en 1834 n’était que de 8,300 tonnes, était en 1842 de 10,400 tonnes, et elle a quadruplé depuis lors. Une progression plus rapide encore s’est déclarée dans la fabrication du fer forgé, dont l’importance dépasse ici celle de la fonte. Grâce à ces diverses extensions, le chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon est de tous les rail-ways du monde celui qui possède le plus fort tonnage de marchandises[2].

Pendant que les moyens de travail se multipliaient autour des voies ferrées en des proportions si considérables, pendant que des bras condamnés jadis durant une grande partie de l’année à une inaction absolue trouvaient à s’employer continuellement, qu’arrivait-il pour le prix des objets de première nécessité ? La famille ouvrière, dont le revenu était grossi par le fait d’un travail plus suivi, voyait-elle annihiler cette augmentation par le renchérissement des produits de première nécessité ? Disons d’abord que les conséquences observées ne sont pas les mêmes par rapport à tous les articles. Là, les prix diminuent ; ici, ils montent moins qu’ils ne l’auraient fait ailleurs ; le renchérissement est moins sensible, grâce à des ressources plus abondantes. On voit par exemple une baisse notable se déclarer dans le prix des houilles après l’ouverture du chemin de Stockton à Darlington. Ce prix fléchit, sur les ports d’embarquement, de 18 shillings à 8 shillings 1/2. Aussitôt que Manchester fut réuni à Liverpool par une ligne ferrée, le sucre, qui est en Angleterre bien plus qu’en France une denrée de consommation usuelle, diminua

  1. En 1850, clin était de 1,500,000 tonnes ; en 1854, elle est de 2 millions. À 1,000 kilogrammes par tonne, c’est pour 1854 un poids de 2 milliards de kilog.
  2. Le mouvement des personnes forme aussi un indice utile à recueillir : en 1836, on ne comptait encore sur la ligne de Saint-Étienne à Lyon que 170,000 voyageurs, valant à la compagnie une somme de 437,000 flancs. Ces chiffres ne cessent plus de s’accroître d’année en année, et ils montent en 1852 à 756,000 voyageurs et 1,274,000 fr.