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faite au peuple par les chambres législatives. En Amérique au contraire, sauf des compartimens séparés pour les femmes voyageant seules[1], les voitures sont toutes d’une seule espèce. Là pas de classes, mêmes conditions pour tous. Entre ces deux extrêmes, le système français est évidemment préférable. Il laisse à chacun plus de vraie liberté que le régime américain ; il ne créé pas des différences excessives comme le système anglais. La sociabilité française apparaît ici ce qu’elle est réellement, moins âpre qu’en Angleterre, plus libérale qu’aux États-Unis.

Quant aux autres pays étrangers, nous n’en voyons aucun où des chemins de fer aient été construits durant la période originelle, la période d’essai de ces créations. Le réseau belge, conçu d’un seul jet et exécuté par le gouvernement sous l’impulsion d’un homme politique auquel il fait honneur, M. Rogier, en vue de conserver à la Belgique le transit de l’Allemagne centrale vers la mer, ce réseau, dis-je, ne fut commencé qu’en 1834. Les quatre grandes lignes dont il se compose, et dont Malines est le point d’intersection, n’ont été ouvertes pour tout le parcours qu’en 1843 ; encore les travaux étaient-ils loin alors d’être terminés[2]. Le mouvement des états allemands dans la même carrière n’est pas antérieur à celui de la Belgique. L’Autriche se mit à l’œuvre plus résolument que la Prusse, dont la politique méticuleuse hésita quelque temps, dans la crainte d’ouvrir des débouchés à ses voisins. Quoique l’Allemagne et la Belgique aient eu, un peu plus tard, une avance considérable sur la France, nous n’en possédons pas moins, comme on va voir, des titres fort antérieurs à ceux de ces divers pays. Nos traditions se rattachent au premier âge des chemins de fer.


II. – LES PREMIERS CHEMINS DE FER EN FRANCE.

On avait vu en France, vers le commencement de ce siècle, quelques usines poser sur le sol, comme en Angleterre, des rails en fer pour faciliter la traction par des chevaux. Il y avait de ces rails à Indret, au Creusot[3] ; mais ces applications n’avaient eu lieu chez nous que sur l’échelle la plus restreinte. À peine connaissait-on le développement qu’elles avaient déjà reçu dans les îles britanniques. Quelques recueils destinés à l’examen des questions relatives aux arts et aux manufactures les avaient mentionnées

  1. l’établissement de ces divisions devrait être rigoureusement obligatoire sur tous les chemins de fer du monde.
  2. Le sol restreint de la Belgique, où l’œil peut aisément embrasser le champ à parcourir, se prêtait au système de l’exécution par l’état. Les lignes du réseau primitif n’embrassent d’ailleurs à elles toutes que 559 kilomètres, ce qui n’est pas même l’équivalent du seul chemin de Paris à Bordeaux. De plus, grâce à un sol uni presque partout, les travaux d’art ne devaient pas être très coûteux. L’état a dépensé pour cet objet une somme de 165 à 167 millions seulement. L’industrie privée n’est point exclue d’ailleurs de toute action en Belgique ; elle a aussi ses chemins, seulement elle n’est venue qu’après le gouvernement et pour une étendue moindre. (Voyez l’ouvrage de M, Perrot, publié en 1845 : Les Chemins de fer belges.)
  3. Les houillières d’Anzin et les mines de plomb de Poullaouen se servaient de bandes en bois.