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avec si peu de tact et de convenance un sentiment en lui-même honnête et bon, peignent parfaitement sir Hudson Lowe.

C’est encore un trait caractéristique que le refus qu’il fit de permettre qu’on plaçât sur la tombe de l’empereur une inscription ainsi conçue : Napoléon, né à Ajaccio le 15 août 1769, mort à Sainte-Hélène le 5 mai 1821. Il exigeait qu’on ajoutai au nom de Napoléon celui de Bonaparte.

Une circonstance remarquable, c’est que Napoléon, peu avant d’expirer, demanda instamment au général Bertrand de faire tout ce qu’il pourrait faire honorablement pour se réconcilier avec sir Hudson Lowe, disant qu’il y réussirait sans doute, puisque, par sa mort, la seule cause de leurs querelles aurait disparu. La comtesse Bertrand en fit part à l’amiral Lambert, commandant de la station navale, et elle ajouta que son mari avait le plus grand désir de se conformer à la volonté de l’empereur. Sir Hudson Lowe, dès qu’il en lui informé, manifesta beaucoup d’empressement à se prêter au rapprochement qu’on lui offrait, et le général Bertrand étant allé le voir avec M. de Montholon, il leur fit l’accueil le plus courtois. Pour que Napoléon, qui, jusqu’à son dernier moment, se montra si peu disposé à oublier les injures de l’Angleterre, ait recommandé une pareille démarche à son grand-maréchal, il fallait certes qu’il fut bien convaincu que tous les torts n’étaient pas du côté du gouverneur.

Sir Hudson Lowe, dont la mission se trouvait ainsi terminée, quitta Sainte-Hélène le 25 juillet pour retourner en Europe. À son arrivée à Londres, il reçut de la bouche de George IV l’assurance que sa conduite avait obtenu au plus haut point l’approbation royale, et on lui donna la propriété d’un régiment, ce qui, dans le système d’organisation de l’armée anglaise, complète la position d’un officier-général. L’heureux avenir que semblaient lui promettre ces témoignages de faveur, et qui n’eût été que l’accomplissement des promesses par lesquelles on l’avait engagé à accepter le gouvernement de Sainte-Hélène, ne devait pourtant pas se réaliser. Bientôt sa position devint aussi fausse que pénible. Dénoncé à l’indignation publique par des imputations, tantôt calomnieuses, tantôt exagérées, attaqué en tout pays, en Angleterre même par le parti libéral qui se faisait des torts qu’on lui reprochait un moyen d’agression contre le ministère tory, il ne tarda pas à s’apercevoir que l’opinion lui était hostile. Le docteur O’Meara publia dans le courant de l’année 1822 son livre intitulé Napoléon en exil ou la Voix de Sainte-Hélène. Ce pamphlet, dans lequel les plus audacieux mensonges étaient artificieusement entremêlés de faits réels qui leur donnaient un air de vraisemblance, produisit un effet prodigieux. Sir Hudson Lowe, qu’il livrait à la haine et au mépris du monde civilisé, voulut intenter une poursuite