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quatre années l’interdiction de pénétrer à Longwood, il prit enfin le parti d’écrire à sir Hudson Lowe que ses instructions ne lui permettaient pas de s’y soumettre plus longtemps, qu’il irait s’assurer par lui-même au premier beau jour de la présence de Bonaparte, que, n’entendant pas l’anglais, il ne se laisserait pas arrêter par les observations qu’un factionnaire pourrait lui adresser, et qu’il passerait outre au risque de recevoir un coup de feu dont le bruit retentirait dans toute l’Europe. Sir Hudson Lowe s’inquiéta peu de cette menace, et le marquis n’y donna aucune suite.

Le gouverneur était d’autant moins disposé à se départir des précautions qu’il jugeait nécessaires, que la correspondance de lord Bathurst l’entretenait sans cesse de projets formés au dehors pour délivrer Napoléon, et qu’à plusieurs reprises, malgré les peines terribles votées par les deux chambres contre les auteurs de machinations semblables, il put découvrir à Sainte-Hélène les traces d’intelligences secrètes et plus que suspectes. Le sentiment du devoir et de la responsabilité lui commandait nécessairement quelque sévérité envers ceux qui essayaient de mettre sa vigilance en défaut. On a vu sa conduite à l’égard d’O’Meara. L’année d’auparavant, ayant acquis la preuve positive d’une tentative faite par un des principaux serviteurs de Napoléon, M. de Las-Cases, pour correspondre avec l’Angleterre par une voie secrète, sir Hudson Lowe l’avait fait enlever brusquement de Longwood sans lui permettre de prendre congé de son maître, en annonçant qu’il le renverrait en Europe par la plus prochaine occasion. Il parut bientôt, il est vrai, vouloir revenir sur ce premier emportement : non-seulement M. de Las-Cases, dans la nouvelle résidence où il avait été transféré en attendant son départ, fut traité avec les soins les plus recherchés, mais sir Hudson Lowe lui proposa de le laisser retourner auprès de Napoléon jusqu’à ce qu’on eut reçu de Londres des ordres positifs. M. de Las-Cases n’accepta pas cette faveur : il répondit, dans le langage déclamatoire qui lui était familier, qu’il ne lui était plus possible de se présenter devant l’empereur après avoir été flétri par l’arbitraire. En réalité, il lui tardait de quitter un pays où il se plaisait peu sans doute et où la santé de son jeune fils avait beaucoup souffert.

Autant sir Hudson Lowe se montrait inflexible lorsque le dépôt dont on l’avait chargé lui paraissait pouvoir être compromis par trop de complaisance, autant, je ne saurais trop le répéter, il faisait preuve, en toute autre occasion, de patience et de longanimité. J’ai déjà dit la persistance de ses tentatives pour concilier avec l’accomplissement de ce qu’il regardait comme son devoir l’amélioration du sort de son prisonnier. Bien que toutes ses propositions fussent repoussées à Longwood avec une injurieuse amertume, il ne se décourageait