Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

formels de lord Bathurst, à l’intention annoncée à plusieurs reprises de renvoyer et de regarder comme non avenues toutes les lettres des serviteurs de Napoléon dans lesquelles ils donneraient à leur maître le titre d’empereur, ou du moins s’il renvoya quelques-unes de ces lettres, ce ne fut que pour la forme, après en avoir pris copie et en se réservant de tenir compte des réclamations qu’elles contenaient. De même il prit sur lui, dans bien des cas, d’éluder les instructions qui lui enjoignaient d’intercepter les livres et les présens de toute espèce envoyés en hommage à Napoléon, lorsque la suscription ou un signe matériel quelconque ferait allusion à son titre impérial. En chaque occasion, il avertissait, il menaçait pour l’avenir, mais presque toujours il trouvait quelque raison, quelque prétexte pour passer par dessus ces transgressions.

Chargé, au moment de son arrivée à Sainte-Hélène, d’exiger des officiers et des domestiques attachés au service de celui qu’on voulait appeler le général Bonaparte l’engagement écrit de se soumettre à certains règlemens de police et de surveillance, il avait consenti à recevoir d’eux cet engagement dans une forme qui non-seulement impliquait de leur part la persistance à voir un empereur dans leur maître, mais encore constituait une sorte de protestation contre les procédés du gouvernement anglais. Cette extrême condescendance ne fut pas approuvée à Londres, et le gouverneur dut demander aux malheureux exilés une déclaration nouvelle, qu’ils ne signèrent qu’après de longues hésitations et sous la menace d’être renvoyés en Europe.

Évidemment sir Hudson Lowe sentait tout ce que ces misérables querelles d’étiquette ajoutaient à la difficulté de sa tâche, tout ce qu’elles y mêlaient de puéril, d’inutilement vexatoire, et il eût été heureux d’y mettre fin. Sur une suggestion du général Bertrand, il consentit, pour son compte, à employer dans sa correspondance avec Longwood la désignation de Napoléon Bonaparte à la place de celle de général Bonaparte, qui, je ne sais pourquoi, déplaisait plus particulièrement à l’empereur. Napoléon, dans un des momens assez rares où il cherchait sérieusement des moyens d’accommodement, avait parlé de se mettre sur le pied de l’incognito et de prendre le nom de quelqu’un de ses anciens amis morts depuis longtemps sur les champs de bataille, celui du colonel Muiron, le plus ancien de ses aides de camp, ou celui de Duroc. Sir Hudson Lowe s’empressa d’accueillir une idée qui lui paraissait propre à tout concilier et de la transmettre à son gouvernement. La réponse que lui fit lord Bathurst est singulière : « A cet égard, lui dit-il, je ne vous donnerai probablement aucune instruction. Il peut sembler dur de repousser une telle proposition, et cependant, si on l’accepte, il pourrait en résulter beaucoup d’embarras. Vous n’encouragerez donc pas la reprise