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que dans la première, l’individu paie six ou sept fois ce qu’il paie dans la seconde.

Les recherches numériques auxquelles se livre M. Grog sont très claires et très intéressantes, et elles nous paraissent justifier pleinement sa thèse, savoir que le peuple anglais est loin de payer, relativement à sa richesse, plus d’impôt qu’aucun autre peuple, qu’il paie moins au contraire, et que le fardeau des dépenses publiques est supporté en beaucoup plus grande proportion par les riches que par les pauvres. Et remarquez que ces calculs sont antérieurs au célèbre plan financier de M. Gladstone, qui a fait de nouveaux pas dans la voie ouverte, et qui, si la guerre ne l’eût arrêté, aurait pu conduire jusqu’à sa dernière application la pensée générale de Robert Peel : favoriser par le système des taxes le bon marché de la vie, c’est-à-dire du couvert, des vêtemens et de la nourriture. En aucun pays, à notre connaissance, la taxation n’a été réformée dans un sens plus démocratique qu’en Angleterre. On a été fort au-delà de la stricte justice, si en matière d’impôt la justice est la proportion.

III. — Il existe dans tous les pays civilisés une catégorie de lois et de mesures qui ont pour objet direct la condition des indigens. Elles pourraient en principe encourir plus d’une objection, tant au nom de la science économique que dans l’intérêt de l’indépendance et de la dignité individuelle. Tout ce que l’homme perd en responsabilité est soustrait à sa liberté. Cependant il ne faut pas s’égarer dans le royaume du mieux absolu, et qui sait si jamais la société peut être assez parfaite pour être dispensée de toute institution d’assistance publique ? Ce que la France a de plus considérable en ce genre, c’est son service hospitalier, qui, malgré quelques lacunes regrettables, est encore, pour son importance et sa perfection, supérieur, je crois, à ce qui existe de comparable dans les autres contrées de l’Europe. Mais l’assistance publique est, comme on sait, le vrai terrain du socialisme, et l’Angleterre est depuis longues années engagée sur ce terrain. De tous temps, elle a pris d’importantes mesures en faveur de l’indigence. Pour commencer par la première, la taxe des pauvres a précédé de plusieurs siècles tout socialisme spéculatif. Elle en avait cependant et, elle en a conservé tous les caractères, y compris les plus mauvais, aussi longtemps qu’on a pu la considérer plutôt comme une mesure d’assistance que comme une mesure de police. Elle a gagné en moralité à perdre toute prétention philanthropique. Impossible toutefois de la revendiquer comme un de ces bienfaits législatifs dont les classes souffrantes doivent savoir gré au gouvernement, et nous aimons mieux avec M. Greg