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pas à la loi des successions que doit être attribuée la faveur dont jouit en France le fonctionarisme, pour parler comme notre habile publiciste. Notre organisation administrative tient à d’autres causes. M. Greg se récrie en voyant, dit-il, le ministre de l’intérieur à la tête de trois cent quarante-quatre mille fonctionnaires payés. Il y en a, je crois, quarante ou cinquante fois moins. Pour construire un tel chiffre, on compte apparemment comme fonctionnaires des agens qui pourraient sans doute n’être rétribués sur aucune catégorie des deniers publics, mais qui ne le seraient pas moins. Ainsi l’on a compté, j’imagine, les cantonniers des chemins vicinaux. Or il y en aurait toujours quand le code civil n’existerait pas, et ce n’est pas l’égalité des partages qui fait qu’ils sont salariés sur des centimes centralisés au département, et non pas, comme ils pourraient l’être dans le système anglais, sur les fonds d’une association d’intéressés. Ce sont là des questions tout autres. Nous admettons parfaitement que l’on puisse trouver en France trop de fonctionnaires : mais cela tient à des causes dont la loi des successions n’est elle-même qu’un effet, et les quatre cinquièmes des services que l’état paie et dont il répond n’en existeraient pas moins, et n’existeraient pas gratuitement, quand ils seraient soustraits à sa surveillance. Nous ne défendons pas d’ailleurs la bureaucratie contre M. Greg, nullement ; mais nous en distinguons le partage des successions, qui n’est pas comptable des excès, de la centralisation, et nous le défendrions au besoin. Il n’a donc pas tous les inconvéniens qu’on suppose ; mais le droit de primogéniture eût-il pour les Anglais tous les avantages qu’on lui prête, il resterait qu’on ne le peut défendre absolument, sans supposer que l’hérédité des biens est absolument aussi soumise à l’arbitraire du législateur, et qu’en cette matière le droit civil n’a nullement à compter avec le droit naturel. Cette supposition, nous ne saurions l’accorder. Pour nous, en principe, la liberté de tester n’est pas illimitée, et les dispositions du code français étaient justes avant d’être écrites. Mais la discussion nous entraînerait trop loin, et revenant à l’Angleterre, nous conviendrons que dans l’étal de ses mœurs l’abolition du droit de primogéniture n’est réclamée par aucune nécessité publique, sans qu’il en soit de même de l’autorité excessive du testateur et de l’abus des substitutions. Il se peut qu’un progrès rapide et marqué dans la division de la propriété du sol fût trop chèrement acheté par ce qu’il coûterait à l’agriculture et aux libertés locales : j’en doute ; mais je sais bien d’ailleurs que l’imitation de nos lois françaises, fondées sur les affections de famille, n’est point un gâteau à jeter au socialisme, qui au contraire est ennemi de tout droit naturel en matière de succession.

II. — Avec la loi civile, la loi financière est celle qui influe le plus