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— voleurs de profession, — caché derrière la cabane, avait prêté une oreille attentive à leurs discours ; il avait vu aussi, à travers la muraille de feuillage, briller à la clarté de la lampe le beau diamant rapporté par Bettalou. C’était par hasard que ce katlla-bantrou se trouvait près de la cabane des pêcheurs. Il s’y tenait embusqué en attendant le retour de ses compagnons occupés à rôder dans le voisinage. Craignant d’éveiller les soupçons de la police de Madras, la bande s’était donné rendez-vous en ce lieu écarté. Enlever au Makona le joyau précieux caché dans un pli de son pagne parut au kalla-bantrou un agréable moyen de passer le temps. Il avait examiné les localités, faciles à reconnaître d’un coup d’œil ; pour arriver à son but, il n’était besoin ni de poser des sentinelles aux abords d’une cour, ni de franchir de hautes murailles au risque d’avoir à lutter ensuite contre des serviteurs bien aimés. Son plan fut vite tracé, et il se hâta de le mettre à exécution. La porte de la cabane donnait sur la mer, mais c’était de là que soufflait le vent, et si le kalla-bantrou l’eût seulement entrebâillée, les Makouas se fussent éveillés au contact d’un air plus frais : ce fut donc par le côté opposé que le voleur dirigea son attaque.

D’abord il applique son oreille à la mince paroi qui le sépare des Makouas : ceux-ci dorment d’un sommeil profond, comme l’indique leur respiration régulière accompagnée de ronflemens. Prenant en main une petite houe fort tranchante dont il a coutume de se servir pour faire des trous dans les murs de terre, le kalla-bantrou creuse le sable à la manière des lapins, et pratique sous la cabane une ouverture par laquelle il se glisse en rampant. Le voilà entré ; les deux frères n’ont rien entendu, rien senti ; le murmure de la vague qui déferle près de leur demeure les a habitués à dormir au milieu du bruit. Le voleur cependant retient sa respiration tant qu’il peut ; s’allongeant comme un serpent le long de Bettalou, il cherche à deviner de quel côté celui-ci a placé la petite boite qui renferme le diamant. Ce sera à gauche, car il est couché sur le flanc, du côté du cœur, la main droite posée sur sa jambe. Il s’agit donc de forcer le pêcheur endormi à se retourner. Avec une petite pointe de bambou bien aiguisée, il le pique légèrement, comme pourrait faire un moustique ; en même temps il imite le bourdonnement de l’insecte. Le Makoua a la peau dure, mais les piqûres réitérées se font sentir à la longue ; il se remue, agite ses pieds et ses mains, et se met sur le dos. Il pousse un petit soupir ; un coup d’aiguillon encore, et il va s’éveiller ; mais le kalla-bantrou s’est rejeté en arrière. Après avoir fait quelques mouvemens, le pêcheur redevient immobile, le sommeil s’est de nouveau emparé de lui, et il présente son flanc gauche au voleur. Celui-ci passe sa main sur le pagne noué autour de la ceinture