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cherchait à ouvrir la petite boîte, qui était hermétiquement fermée. Il la tournait en tous sens, mais une main plus habile que la sienne avait scellé ce coffret mystérieux. La lampe allait s’éteindre ; cédant à son impatience, le Makoua fit sauter le couvercle avec la pointe de son couteau. Dindigal faillit tomber à la renverse, et Bettalou poussa un cri de triomphe : la dernière lueur qui s’échappait de la lampe mourante venait de faire briller à leurs yeux un magnifique diamant enchâssé dans une petite bague d’or. La pierre étincelante illumina un instant la pauvre cabane comme l’étoile de feu lancée par la fusée volante qui s’évanouit au milieu d’un ciel obscur ; puis les deux Makouas se trouvèrent dans les ténèbres, si ébahis de ce qu’ils venaient de voir, qu’ils furent longtemps sans articuler une parole. Bettalou tenait son poing serré, comme s’il eût craint que le diamant lui échappât. Enfin il replaça l’anneau dans la boîte et glissa celle-ci dans un pli de sa ceinture, non sans s’être assuré qu’il ne courait aucun risque de la perdre pendant son sommeil.

— Combien crois-tu qu’un joaillier te donner à d’un pareil bijou ? demanda Dindigal.

— Qui sait ? Vingt ou trente mille roupies. C’est une belle part pour chacun de nous.

— Avec une pareille somme, continua Dindigal, je pourrai me passer de ramer sur le catimaron, et je serai assez riche pour me faire traîner dans un joli petit char attelé de deux bœufs, comme les gros banians du bazar. On ne médira plus : Passe ton chemin, vilain Makoua, pauvre fou !…

— Te voilà encore avec tes rêves de paresse, dit Bettalou ; eh bien ! moi, j’achèterai un grand dhôni[1], et je ferai du commerce dans tous les ports de la côte, depuis Ceylan jusqu’à Masulipatam. Mon capital sera doublé quand tu auras dépensé ta dernière pièce d’argent. Viens plutôt avec moi…

— Toujours obéir et ne jamais commander, murmura Dindigal ; ce métier-là a duré trop longtemps pour moi ; je veux être mon maître.

Il y a des paroles acerbes auxquelles on ne répond que par le silence. Ainsi fit l’aîné des deux frères ; s’allongeant sur sa natte, il ferma les yeux et se mit en devoir de dormir.


III

Tandis que les deux Makouas s’entretenaient ainsi, croyant bien n’être entendus de personne, un vagabond de la caste des kalla-bantrous,

  1. Petit navire de la côte.