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plage. Fragmens de mâtures, morceaux de cordages, planches brisées en éclats, telles étaient les maigres épaves que les pêcheurs du voisinage avaient ramassées déjà sur divers points de la côte. En approchant de sa cabane, Bettalou se mit à marcher dans l’eau : il s’amusait à baigner ses jambes nues dans l’écume de la vague. La mer murmurait encore d’une voix grondeuse en déferlant à perte de vue sur les sables. À la lueur des étoiles, le pêcheur aperçut un objet de couleur noire, rond comme un caillou, que le flot allait entraîner après l’avoir poussé en avant.

— Halte-là, dit-il en allongeant le pied. Voilà un coquillage d’une forme singulière et qui vaut la peine d’être regardé de plus près…

Ramenant à lui l’objet inconnu qui s’enfonçait déjà sous le sable, Bettalou le saisit d’une main avide. C’était une petite boite de métal, de la grosseur d’une montre, et qui semblait avoir séjourné longtemps sous les eaux. Il allait essayer de l’ouvrir ; mais un bruit de pas ayant frappé son oreille, il la cacha dans sa ceinture, et reprit sa marche en sifflant. Les pas qu’il venait d’entendre étaient ceux de son frère Dindigal.

— D’où viens-tu ? lui demanda-t-il gaiement ; as-tu péché du poisson d’eau douce dans les mares de la campagne ? Te voilà couvert de limon comme un caïman.

Dindigal courut se jeter dans la mer pour s’y laver, puis il se mit à suivre son frère, mais d’un peu loin ; il n’avait nulle envie de causer avec personne. Bientôt ils furent réunis sous le toit de leur pauvre cabane :

— Voyons, dit Bettalou, il faut allumer du feu pour cuire le souper ; j’apporte des provisions plein le mouchoir que voilà, du riz, du piment, du poivre, du sel… As-tu appétit ce soir ?

— Pas trop, répliqua Dindigal, je me sens de la fièvre.

— Bah ! fit Bettalou en levant les épaules ; tu n’es pas plus malade que moi, je le parierais. Tu as mal… aux idées, voilà tout. Allume un peu cette lampe ; il y a de l’huile pour un quart d’heure au moins, et c’est plus qu’il n’en faut.

La mèche placée dans un tesson qui contenait deux ou trois cuillerées d’huile de coco ayant commencé à répandre dans la cabane beaucoup de fumée et un peu de lumière, Bettalou posa sa main sur l’épaule de son frère, puis, tirant avec solennité la petite boîte de métal cachée sous un pli de sa ceinture :

— Voyons, lève les yeux ; veux-tu être de part dans ma trouvaille de ce soir ? lui demanda-t-il.

— Tu as toujours de la chance, répondit à demi-voix Dindigal.

— C’est ce que nous allons voir. — En parlant ainsi, Bettalou