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LES MAKOUAS


RECIT DE LA COTE DE MADRAS.




I

Dans un petit village des environs de Madras vivait un de ces fabricans de pots d’argile que l’on nomme cossevers sur la côte de Coromandel. Blanchi par l’âge, mais encore actif et laborieux, il travaillait tout le jour à l’ombre des cocotiers. Il fallait le voir faire tourner d’un coup de baguette la roue horizontale dressée sur un pivot, jeter une poignée de terre humide dans le creuset, et façonner avec deux doigts des vases de toute forme. La tête entourée d’un turban étroit, le corps ceint d’une bande de cotonnade blanche, le cossever, parfaitement à l’aise dans son léger costume, se livrait, avec l’entrain et la verve d’un artiste, aux travaux de sa profession. Il était heureux de son état et fier de sa caste. La cabane qu’il habitait, le jardin peu étendu, mais bien cultivé, qui lui servait d’atelier, la pièce d’eau dans laquelle il mettait son argile à tremper, tout cela lui appartenait. Il avait acquis ce modeste domaine du fruit de ses épargnes, et rien ne manquait à la joie du vieillard quand il voyait sa fille, assise à ses côtés, pétrir la terre glaise de ses doigts délicats. Celle-ci, — elle se nommait Palaça, — était renommée pour son habileté dans l’art de mouler les petits chevaux en terre cuite que les habitans de la côte suspendent aux arbres, ou plantent sur un bâton au milieu des champs, comme des dieux protecteurs des fruits