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Rome réclame de grandes améliorations. Cette marche en spirale à laquelle la condamne plus ou moins l’antagonisme des directeurs qui se suivent, mais ne se ressemblent pas, enchaîne fatalement ses progrès. Si jamais l’Académie, des Beaux-Arts de Paris se préoccupait sérieusement d’un projet de constitution pour l’Académie de France à Rome, projet qui, s’il conservait les anciennes bases, tiendrait compte aussi des nécessités du moment ; elle rendrait un service signalé. En attendant ; nous dirons à ceux qui reprochent à l’école de Rome de n’avoir produit aucun artiste original qu’il lui reste quelques sujets de consolation, puisqu’elle peut porter sur sa liste Pradier, David d’Angers, Simart, Coignet, Flandrin, bien d’autres encore, et surtout M. Ingres.

ERNEST VINET.


PEINTURE DU VESTIBULE DE LA COUR DES COMPTES.

Lorsqu’on examine l’ensemble des peintures qui représentent en France les tendances de la nouvelle école, il est impossible de méconnaître un singulier contraste entre les progrès matériels et l’insuffisance croissante de la pensée. Les travaux récemment terminés par M. Gendron dans le vestibule de la cour des comptes méritent d’être signalés comme une honorable exception à un oubli des traditions spiritualistes de notre école que nous souhaiterions moins général.

Le talent de M. Goudron procède de l’imagination poétique beaucoup plus que de l’étude littérale du fait : talent, il est vrai, irrésolu parfois dans ses formes, dont les aspirations mêmes ont quelque chose, d’un peu flottant ou d’incomplètement approfondi, mais qui emprunte à cette sorte de nonchalance une grâce singulière et une véritable distinction. On se souvient des Willis de plusieurs autres compositions du même genre où les imperfections de détail sont rachetées par le charme de l’impression générale et les négligences de la brosse par la délicatesse des intentions. L’œuvre nouvelle de M. Gendron a les mêmes qualités comme elle a aussi les mêmes défauts : seulement, en raison des conditions particulières de la tâche que l’artiste avait à remplir, ces défauts sont ici moins sensibles, et les qualités du peintre ressortent d’autant mieux que sa fantaisie était plus libre de se donner carrière. Peu importe en effet que, dans une suite de peintures placées à une hauteur de huit mètres peut-être, certains morceaux secondaires soient traités avec quelque insouciance, que plusieurs draperies par exemple aient une apparence équivoque, ou que le modelé des chairs manque ça et là de finesse. De pareilles fautes mériteraient le blâme, si elles étaient commises sur une toile : dans une décoration monumentale, et dont le sujet a un caractère abstrait, elles semblent beaucoup plus excusables. Le point essentiel en pareil cas est d’exprimer, non les vérités accidentelles, mais un certain vrai général au-dessus du fait palpable et du détail ; il s’agit de rendre des idées intelligibles aux yeux plutôt qu’il ne faut définir des réalités. Les peintures du vestibule de la cour des comptes sont conçues et exécutées conformément à ce principe. Elles ont le mérite de n’être ni académiques, comme la plupart des allégories qu’ont signées les artistes de l’ancienne école, ni vulgaires comme les tableaux de l’école réaliste. À ne parler que de l’aspect, elles sont dépourvues, si l’on veut, de puissance, en ce sens qu’elles n’imposent pas par ce dessin follement accentué ou par ces fiertés de coloris propres aux œuvres