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son souverain, aurait dit, à l’occasion de la clôture récente du parlement de Stockholm, que le roi avait eu une bonne diète. – « Quand on a une bonne diète l’hiver, aurait-on répondu, c’est le cas d’avoir un grand appétit au printemps. » Et voilà comment, à travers tout, cette année s’en va en laissant l’Europe en présence de perspectives plus guerrières que pacifiques ; voilà comment 1854 aura vu naître et se dérouler une lutte dont l’issue reste un mystère encore aujourd’hui.

L’année finit donc au milieu des complications d’une immense question européenne et au milieu du silence de la vie intérieure. Politiquement et matériellement, cette période qui s’achève laisse peu de résultats, sans nul doute, au point de vue intérieur ; elle a vu se poursuivre un mouvement régulier d’intérêts, et n’a été marquée que par les suites d’une crise alimentaire prolongée ; il en est encore ainsi aujourd’hui. C’est dans ces conditions que se réunissait récemment le corps législatif, et le chef de l’état ne faisait qu’obéir à la préoccupation universelle en concentrant la pensée de son discours d’inauguration dans les affaires extérieures, en donnant la place la plus considérable aux mesures jugées dès ce moment indispensables pour la continuation de la guerre. Le corps législatif, on le sait, n’a point à discuter de réponse au discours du souverain ; il n’a point même à exercer un contrôle direct sur les affaires extérieures. Il n’a pu s’en occuper qu’indirectement, à l’occasion du projet d’émission du nouvel emprunt de 500 millions annoncé par l’empereur. C’est la première question dont ait été saisi le corps législatif, et ici naturellement toutes les dissidences s’effacent : la loi a été votée à l’unanimité. Le gouvernement a été autorisé à émettre l’emprunt, et, comme il l’avait déjà fait précédemment, il a choisi la forme d’une souscription nationale. Il restait à fixer le taux de l’émission, et c’est ce qui vient d’être fait aujourd’hui même. La rente 4 1/2 p. 100 sera émise au taux de 92 francs, la rente 3 p, 100 au taux de 65 fr. 25 c. Les combinaisons et les avantages offerts aux souscripteurs sont à peu près les mêmes que dans le dernier emprunt, et les versemens sont échelonnés en dix-huit termes, les paiemens par anticipation restant admis de droit avec escompte. Le vote de l’emprunt est le tribut unanime du sentiment patriotique dans des circonstances exceptionnelles. Maintenant la session régulière commence : les travaux du corps législatif vont s’ouvrir avec l’année nouvelle, ils se mêleront à ce mouvement qui renaît, qui embrasse tous les intérêts, tous les activités de la vie sociale, — mouvement indépendant de la vie officielle, qui a lui-même parfois ses incidens, ses symptômes, ses deuils de temps à autre, comme il arrive quand vient à disparaître soudainement un homme élevé par son talent et par son caractère au niveau de toutes les situations. C’est ainsi que la mort est venue prendre, dans la forte maturité de l’esprit, M. Léon Faucher, qui par son âge semblait encore promis à l’avenir. M. Léon Faucher s’était fait une place dans notre temps autant par sa supériorité d’économiste que par la vigueur de caractère qu’il avait montrée dans la politique active en des momens où le pouvoir n’avait rien de séduisant. Retiré de la scène officielle, il avait retrouvé le travail et l’étude, et c’est d’une main déjà malade qu’il traçait avec une si nette fermeté ces pages remarquables qu’un a vues ici sur les finances de la guerre. M. Léon Fau-