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ni sans utilité ; mais autant ces doctrines pouvaient être alors excusables par l’état général des choses, autant elles deviennent odieuses, lorsqu’elles s’opposent directement à l’essor religieux et social du christianisme.- Il est à croire qu’un génie comme Grégoire VII ne combattrait pas de nos jours l’indépendance du pouvoir civil, de même que Bossuet reconnaîtrait un principe chrétien dans la liberté des cultes, si favorable, partout où elle règne, au progrès de la vérité catholique.

Inauguré au XVIIIe siècle avec la décadence de l’église et de l’état, interrompu un moment par la réforme de 1791, le règne de l’ultramontanisme au sein du clergé français parut consolidé dans les dernières années de la restauration. Du moins, à ces diverses époques, il se produisit sous sa forme naturelle, comme un retour aux institutions du moyen âge. De son côté, le gallicanisme religieux, quoique compromis par ses faibles défenseurs, eut l’appui constant de l’opinion libérale.

La révolution de juillet détermina chez le parti ultramontain une transformation inattendue. Il changea tout à coup d’allure et de langage ; il choisit pour mot d’ordre la liberté. En Belgique, il affectait de prendre l’avant-garde de la révolution, et votait pour la république. Au fond, il n’avait modifié aucune de ses doctrines. L’érudition de Bellarmin, assaisonnée de l’esprit de Joseph de Maistre, continuait à résumer pour lui la science chrétienne. Bonald était son métaphysicien, Lamennais était son chef, tour à tour monarchiste fougueux et démocrate ardent, mais toujours théocrate tant qu’il resta dans l’église, celui-ci avait conquis le cœur du clergé en plaçant l’intérêt sacerdotal au-dessus de tous les intérêts politiques. Les nouveaux ultramontains voulaient la liberté de l’église, la liberté de l’enseignement, la liberté de la presse, toutes les libertés du monde. On n’avait jamais avant eux compris la liberté. Les vrais libéraux et les catholiques intelligens ne se laissèrent point prendre à ces bruyantes démonstrations des fils des croisés, inspirés, peut-être à leur insu, par les fils de Loyola. À la fin, la représentation s’émut, et gourmanda l’inconcevable faiblesse du gouvernement français, qui alla presque jusqu’à la complicité. M. Dupin prononça peut-être à cette occasion ses meilleurs discours. Cependant il ne parvint pas à rendre à nos maximes l’influence et la popularité. Comme Portalis, qu’il suit trop docilement, M. Dupin parait plus attaché au gallicanisme civil qu’au gallicanisme ecclésiastique. Les pasteurs du second ordre sacrifiés, les laïques oubliés par le concordat, restèrent sans défenseurs. Je ne doute pas que cet injuste et impolitique abandon n’ait grandement nui, à de louables efforts, et entretenu l’illusion qu’avait fait naître l’étrange déguisement du parti théocratique.