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s’enrichit de ce que le clergé du second ordre comptait de plus savant, de plus austère et de plus pieux, et la partie saine y domina jusqu’à la fin. Le gallicanisme put s’honorer de ses derniers représentans. L’épiscopat sorti du vote populaire, quoique dans les circonstances les moins favorables, rappelait les âges florissans du christianisme. « Il était à lui seul, dit M. Bordas-Demoulin dans une remarquable étude sur l’église constitutionnelle, l’apologie de la constitution civile du clergé. »

D’ailleurs les événemens se chargèrent de séparer l’ivraie du bon grain. Dans les convulsions sanglantes de la terreur, la persécution religieuse, qui avait d’abord frappé le clergé réfractaire, sévit avec violence contre l’église constitutionnelle. Elle eut alors ses confesseurs et ses martyrs. Sorti purifié de l’épreuve, le nouveau clergé conquit par son abnégation, par ses vertus, les respects du peuple, et arracha les suffrages mêmes de ses adversaires. Les deux conciles qu’il tint à Paris en 1797 et en 1801 respirent la foi, la science et les vertus de la pure antiquité. C’est à ce clergé que revient l’honneur d’avoir, dès 1795, rouvert en France les églises. Au rapport de Thibaudeau, l’église constitutionnelle, sans aucun appui du pouvoir, qui avait fini par proclamer l’entière séparation de l’état et des cultes, était parvenue à réunir sous son gouvernement spirituel sept millions cinq cent mille Français. Il dépendit du premier consul de la faire triompher : il se contenta de forcer la cour de Rome à reconnaître, par le concordat de 1801, les principales conquêtes civiles de la révolution, et d’ouvrir, dans les articles organiques, un dernier et trop humble asile au gallicanisme. C’était assez pour signaler son œuvre à la haine du parti ultramontain, ce n’était pas assez pour réprimer les entreprises de la politique romaine. Le puissant conquérant ne tarda pas lui-même à l’éprouver. Alors il songea, par le concordat non appliqué de 1813, à rendre quelques garanties au gallicanisme religieux ; mais déjà la fortune avait prononcé contre lui. — Ainsi échoua la salutaire tentative d’une réforme orthodoxe de l’église catholique ; depuis, elle n’a plus été reprise, quoique le besoin en devienne chaque jour plus urgent.

Envisagé historiquement, le gallicanisme religieux fut une protestation éternellement vivante en faveur de la liberté ecclésiastique plutôt qu’un système régulièrement pratiqué. Pour le voir fonctionner, il faut remonter à l’origine du christianisme. C’est dans l’église qu’il est vrai de dire que le despotisme est récent, et la liberté ancienne. Au commencement, l’église se plaça complètement en dehors de la société politique, et vécut en quelque sorte à l’état de société secrète. Là se déploie, sous l’inspiration de l’esprit saint, son vrai génie ; elle s’organise sous une forme qui approche de la démocratie