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innocens, de zélés serviteurs de l’état, devaient-ils être abandonnés sans défense au ressentiment de prélats orgueilleux qui excommuniaient quelquefois tout un tribunal pour de simples conflits de juridiction ? Dans ces âges de fanatisme, il n’était pas sans exemple de voir un excommunié en butte aux insultes et aux attaques de la populace.

Non-seulement le pouvoir civil en France sut tenir en respect un clergé riche et ambitieux, non-seulement il lutta avec un succès constant contre cette cour de Rome, dont les prétentions altières, incorrigibles, n’ont cessé d’agiter les états ; mais la majesté des conciles œcuméniques, plus respectable à la France que la dignité du pontife romain, n’arrêtait point les défenseurs de nos libertés, lorsque ces augustes assemblées se laissaient entraîner par le funeste esprit de la théocratie. Le concile de Trente ne s’y montra que trop docile. Plusieurs de ses décrets consacrent si ouvertement les prétentions ultramontaines, que la réception eût impliqué un abandon complet des maximes gallicanes[1]. Aussi un siècle d’efforts de la part des papes et des évêques ne put vaincre la résistance de la puissance temporelle, et le concile de Trente n’a jamais été reçu ni publié en France, quoique ses décisions purement dogmatiques y aient toujours été acceptées comme exprimant la foi de l’église.

Dans ces luttes auxquelles s’attache un impérissable intérêt, le centre de la résistance légale fut constamment placé dans le parlement de Paris. Le clergé français défendit souvent contre Rome les libertés de l’église et les droits de l’état ; mais l’esprit de corps et l’attachement à ses privilèges temporels rendaient son opposition incertaine et sans suite. Le parlement au contraire soutint contre la théocratie une guerre régulière de plusieurs siècles. Il n’était pas toujours secondé par le pouvoir royal. Plus d’une fois, à l’aide des favoris et des confesseurs, la cour de Rome fit casser les avis rendus contre elle ; elle parvint même à entraîner l’autorité royale dans une conspiration contre le gallicanisme religieux, et de cette alliance monstrueuse naquit le concordat de 1516. Nous aurons à revenir sur cet acte néfaste. Quand Rome n’était pas la plus forte, elle temporisait, et témoignait son mécontentement par des représailles détournées. Loin de les redouter, la magistrature française s’en faisait un titre d’honneur. « Le pape, dit d’Aguesseau, racontant une de ces luttes si fréquentes, demeura dans le silence, ou du moins il ne laissa exhaler sa colère que par la faible vengeance de faire mettre l’arrêt du parlement à l’index, avec tant d’autres arrêts qui ont été rendus pour la défense de nos maximes, et que Rome canonise lorsqu’elle les condamne. »

On a quelquefois lié le gallicanisme aux théories absolutistes de

  1. Notes sur le Concile de Trente ; Cologne, 1706.