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La seconde, qu’encore que le pape soit reconnu pour suzerain es choses spirituelles, toutefois en France la puissance absolue et infinie n’a point de lieu, mais est retenue et bornée par les canons et règles des anciens conciles de l’église reçus en ce royaume. »

Le gallicanisme est tout entier dans ces deux principes de Pithou. La déclaration de la faculté de théologie de Paris du 8 mai 1663, la déclaration plus solennelle de l’assemblée du clergé de France du 19 mars 1682 n’en offrent que la reproduction sous une forme plus théologique. La dernière, rédigée par Bossuet, porte :

« 1° Que saint Pierre et ses successeurs, vicaires de Jésus-Christ, et que toute l’église même, n’ont reçu de puissance de Dieu que sur les choses spirituelles et qui concernent le salut, et non point sur les choses temporelles et civiles…

« 2° Que la plénitude de la puissance que le saint-siège apostolique et les successeurs de saint Pierre, vicaires de. Jésus-Christ, ont sur les choses spirituelles est telle que néanmoins les décrets du saint concile œcuménique de Constance contenus dans les sessions IV et V, approuvés par le saint-siège apostolique, confirmés par la pratique de toute l’église et des pontifes romains, et observés religieusement dans tous les temps par l’église gallicane, demeurent dans leur force et vertu…

« 3° Qu’ainsi il faut régler l’usage de la puissance apostolique en suivant les canons faits par l’église de Dieu et consacrés par le respect général de tout le monde ; que les règles, les mœurs et les constitutions reçues dans le royaume et dans l’église gallicane doivent avoir leur force et vertu, et les usages de nos pères demeurer inébranlables…

« 4° Que quoique le pape ait la principale part dans les questions de foi, et que ses décrets regardent toutes les églises, et chaque église en particulier, son jugement n’est pourtant pas irréformable, à moins que le consentement de l’église n’intervienne. »

L’assemblée arrêta qu’elle enverrait sa décision « à toutes les églises de France et aux évêques qui y président par l’autorité du Saint-Esprit. » La même année, le clergé français publia une protestation énergique contre les brefs d’Innocent XI, « par lesquels on voit la liberté des églises asservie, les formes de la discipline ecclésiastique détruites, l’honneur de l’épiscopat avili, et les bornes sacrées que la main de nos ancêtres avait été si longtemps à poser renversées en un moment. » l’édit du roi confirmant la déclaration fut enregistré au parlement de Paris le 23 mars 1682. Cet édit fut renouvelé au siècle suivant, et en dernier lieu Napoléon le déclara loi générale de l’empire par décret du 25 février 1810.

Tels sont les plus célèbres monumens du gallicanisme. On voit que, sous le titre de « libertés de l’église gallicane, » il s’agit aussi bien des droits et des fondemens de l’état que de la constitution intérieure de ce que l’on nomme aujourd’hui exclusivement l’église. « Il ne faut pas s’imaginer, dit le commentateur de Pithou,