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diverses il est parvenu jusqu’à notre âge. Nous montrerons les rapports étroits qui unissent les maximes gallicanes aux principes de la révolution de 1789, et le même génie de la liberté inspirant l’ancienne et la nouvelle France. Arrivant ensuite au débat tel qu’il s’est ranimé de nos jours, nous aurons à indiquer la part honorable qu’a prise récemment à ces controverses une portion malheureusement trop faible du clergé français. Ce n’est pas seulement ici une question d’un haut intérêt historique. À notre avis, la mission du gallicanisme est loin d’être terminée. Malgré le succès passager de l’opinion contraire, il est appelé à triompher dans l’église comme il a définitivement triomphé dans l’état, et sa victoire seule mettra fin aux luttes religieuses qui troublent le présent et menacent l’avenir.

Nous écrivons dans le pays des saint Bernard, des saint Louis, des Gerson, des Bossuet, des Arnauld, des Pascal, des d’Aguesseau. Sans diminuer les droits du saint-siège, sans manquer au respect et à l’obéissance légitime dus aux successeurs de saint Pierre, ces grands hommes, l’honneur de la France et du catholicisme, surent énergiquement combattre les doctrines ultramontaines, les abus et les empiétemens de la cour de Rome. Dans les périls où ils voyaient la religion engagée par ces abus, ils crurent que la vraie marque de respect, c’était de pousser le cri d’alarme. Des périls plus grands peut-être autorisent la même liberté ; les lois constitutionnelles de l’église l’assurent d’ailleurs à tous ses membres. Le parti ultramontain aurait particulièrement mauvaise grâce ; à faire de notre qualité de laïque un motif de récusation. Depuis de Maistre et de Bonald jusqu’aux controverses les plus récentes, les organes préférés de ce parti sont des laïques ; il peut souffrir un contradicteur dans les rangs où il choisit des chefs. Il a dû à leurs efforts un redoublement de vigueur : pourquoi le gallicanisme, à son tour, ne se retremperait-il pas dans le zèle et la fidélité laïques ?


I

« Ce que nos pères, dit le célèbre Pithou, ont appelé liberté l’église gallicane, et dont ils ont été si fort jaloux, ne sont point passe-droits ou privilèges exorbitans, mais plutôt franchises naturelles et ingénuités ou droits communs… ès-quels nos ancêtres se sont très-constamment maintenus, et desquels partant n’est besoin montrer autre titre que la retenue et naturelle jouissance. » C’est ce qui faisait dire à Bossuet dans son célèbre discours sur l’unité : « Conservons ces fortes maximes de nos pères que l’église gallicane a trouvées dans la tradition de l’église universelle. » Tel est le caractère éminçât du gallicanisme. Il ne fut jamais une charte de privilèges,