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les titres de propriété d’une forte somme d’argent déposée à la banque de San-Francisco.

Mary quitta la Californie et se retira avec sa mère dans une des villes de l’ouest. Quant à miss Adèle T…, elle a fait fortune en Californie, et doit, dit-on, se remarier bientôt.

Ainsi finit l’histoire de la malade mystérieuse, une des plus singulières auxquelles j’aie été mêlé dans toute ma carrière de médecin.


Tels sont quelques-uns des épisodes dramatiques de ce livre. Nous ne les donnons point comme des chefs-d’œuvre, mais comme des échantillons du savoir-faire auquel les Américains sont arrivés. Ou nous nous trompons beaucoup, ou l’auteur de ce livre est réellement un médecin. Un homme littéraire aurait exploité les mêmes sujets avec plus d’habileté de main, il les aurait épuisés et leur aurait fait rendre tout ce qu’ils contiennent : nous n’y aurions pas beaucoup gagné. Chacune de ces aventures eût fourni la matière d’un roman complet ; ces observations toutes de détail auraient été généralisées, ces analyses succinctes des maladies de l’esprit auraient pris des dimensions exagérées. Nous devons donc remercier l’auteur de nous avoir donné scrupuleusement, sans y rien ajouter, le récit de ses aventures. Le livre y gagne en intérêt et en candeur.

Ce petit livre ne prête pas à de nombreuses réflexions, et cependant l’intérêt qu’il éveille est un intérêt tout moral. S’il se trouvait dans chaque nation un médecin qui fit le récit de ses aventures, le philosophe pourrait tirer de la comparaison des formes que les maladies morales revêtent dans les divers pays des conclusions curieuses sur la différence de caractère des peuples et des races. Nous connaissons mieux les qualités des peuples que nous ne connaissons leurs vices ; l’histoire, malgré les crimes dont elle abonde, ne nous enseigne guère que les vertus des nations, et si nous n’avions pas la littérature et surtout le roman, cette indiscrétion du génie des peuples, nous ne connaîtrions pas les faiblesses de caractère, les petitesses d’âme, les mesquineries, les vulgarités, les côtés odieux et haïssables de chacun des membres de la grande famille humaine. Toutefois les romanciers ne sont pas des hommes contraints par profession à l’observation des côtés douloureux de la vie ; ils ne sont pas obligés de suivre dans toutes leurs conséquences morales et physiques les vices qu’ils décrivent. L’intempérance chez eux n’est jamais que gaie ou brutale ; la luxure n’est que repoussante ou lisible ; ils ne suivent pas le prodigue plus loin que sa ruine. Ils ne nous enseignent encore que les vices généraux des peuples ; quelles conséquences