Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Occi-, et rien ne pouvait être changé, à vrai dire. En est-il de même en Allemagne ? La mort de l’empereur Nicolas aura-t-elle pour effet de modifier les conditions de la politique germanique ? Depuis longtemps, on le sait, le tsar qui vient de mourir avait su nouer toute sorte d’alliances en Allemagne ; il était parvenu à s’interposer dans toutes les questions allemandes, à étendre son influence, à s’assurer l’appui des princes ou de certains partis, et il avait réussi jusqu’au dernier moment à retenir les forces germaniques dans l’immobilité. Sa disparition inattendue faisait naître un grand problème, celui de savoir si son influence lui survirait, si l’Allemagne au contraire ne se trouverait point déliée et désormais libre dans ses résolutions. Jusqu’ici, il faut bien le dire, le problème est loin d’être résolu. La mort de l’empereur Nicolas a eu un retentissement profond au-delà du Rhin ; ses conséquences politiques ne se révèlent point encore. Une fois de plus seulement on peut remarquer ici les différences qui n’ont cessé de se manifester dans tout le cours de cette formidable crise entre les deux principales puissances allemandes. L’Autriche a ressenti, comme toute l’Allemagne sans nul doute, l’impression causée par la mort du tsar. Elle a rendu à la mémoire du défunt tous les hommages dus à une ancienne amitié. L’empereur François-Joseph a envoyé aussitôt à Pétersbourg l’archiduc Guillaume, il a voulu laisser à un de ses régimens le nom de l’empereur Nicolas ; mais la situation politique de l’Autriche vis-à-vis de la Russie et des puissances occidentales est restée la même. Le cabinet de Vienne a pu exprimer des désirs nouveaux et des espérances de paix, il n’en a pas moins persisté à se préparer à l’action en présence de l’incertitude des négociations. Il est encore aujourd’hui dans les limites de ses dispositions premières et de ses engagemens, prêt sans nul doute à intervenir le jour où toute chance d’arrangement s’évanouirait. Sur cette politique de l’Autriche, rien ne semble douteux.

Il reste la Prusse, qui a malheureusement épuisé jusqu’ici toutes les ressources de l’indécision. On sait quelle a été la mission du général de Wedell. Dans le fond, de quoi s’agissait-il ? Les puissances occidentales, se prêtant par esprit de concihation aux scrupules de la Prusse, avaient consenti à modifier sur certains points le traité du 2 décembre pour le faire accepter à Berlin. À une telle démarche, le gouvernement prussien répondait par des propositions fort différentes ; il demandait surtout qu’on s’interdît d’avance le passage de toute armée sur le sol allemand, et qu’on prît des engagemens relativement à la Pologne. La réponse était bien simple. On ne pouvait évidemment reconnaître à la Prusse le droit de parler au nom de l’Allemagne tout entière et de réclamer des engagemens au sujet des éventualités qu’on verrait se produire. Quant à ce qui concerne la Pologne, la Prusse ne pouvait avoir en vue que d’assurer à la Russie la conservation de ses provinces polonaises, ou de se garantir elle-même contre toute tentative dans le duché de Posen. Dans le premier cas, elle s’occupait d’un objet qui ne la concernait pas spécialement ; dans le second, elle émettait un soupçon qui devait éloigner toute pensée d’un traité quelconque. Le cabinet de Berlin paraissait l’avoir compris, lorsque la mort de l’empereur îNicolas venait le rejeter dans des perplexités nouvelles, perplexités accrues par les dernières paroles du tsar expirant.

C’est l’impératrice de Russie elle-même, la sœur du roi Frédéric-Guillaume, qui se serait chargée, dit-on, d’écrire à celui-ci que l’empereur Nicolas venait