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sur les terres fertiles qui se trouvent entre le Jourdain et la mer. Si ce besoin n’a pas également été éprouvé de nos jours, c’est, il faut bien le dire, et je le dis avec le plus profond regret, à l’apathie des pachas Turcs en général qu’il faut l’attribuer; cette apathie ne leur a pas permis de donner des soins assez suivis à des mesures d’une telle importance; puis le gouvernement du sultan, en changeant aussi fréquemment qu’il le fait les chefs du pachalik de Damas, ne leur laisse ni le temps de sonder le mal ni le temps de combiner les remèdes qu’il serait utile d’y appliquer. Aussi, lorsque des pachas ont agi, ils ne l’ont fait ni avec assez de réflexion, ni avec assez de connaissance des forces vives qui pouvaient leur être opposées, témoin la dernière expédition contre le Hauran, qui, tentée dans ces montagnes pour établir la prépondérance de la Porte ottomane, n’a fait que compromettre le prestige dont elle pouvait y jouir.

Trois bataillons d’infanterie, répartis en détachemens occupant un certain nombre de postes ou de petits camps retranchés, suffiraient pour garder toute la longueur du Jourdain. Si l’on en doutait, on n’aurait qu’à songer que les Bédouins n’ont ni canons pour battre des murs en brèche, ni échelles pour les escalader; que leurs troupes, se composant généralement de cavalerie, ne sont pas propres à monter à l’assaut d’ouvrages ayant le moindre relief, à quoi il faut ajouter que, les Bédouins étant armés pour la plupart de fusils à mèche et non munis de baïonnette, les troupes turques, armées à l’européenne et ayant adopté nos maniemens d’armes, auraient peu de chose à redouter d’un assaut tenté dans de pareilles conditions.

A toutes ces causes d’infériorité pour les Bédouins se joint l’obligation où ils se trouvent de se déplacer continuellement pour trouver l’herbe et l’eau dont leurs troupeaux ont besoin, ce qui ne leur permettrait guère de former des blocus rigoureux et soutenus. Or, si des blocus longs et soutenus ne sont pas praticables pour les Arabes nomades, blocus qui, sur les bords du Jourdain, ne sauraient être qu’incomplets, puisque les communications existeraient toujours avec la rive droite du fleuve, le moyen proposé n’est plus contestable. D’ailleurs rien n’empêcherait d’établir en outre sur cette même rive un camp volant, composé d’un régiment de cavalerie et de quelques pièces d’artillerie légère, camp qui aurait pour mission de se porter sur les points attaqués et d’en dégager les garnisons.

Les anciennes fortifications qui forment les têtes des ponts établis sur le Jourdain sont, il faut en convenir, dans un triste état de conservation; mais comme elles n’ont jamais été très étendues et n’ont pas besoin de l’être, on les relèverait à très peu de frais. Il faudrait toutefois, pour plus de sûreté, les armer de deux ou trois obusiers de montagne, soit pour tenir les Bédouins éloignés en tirant sur eux