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miné, c’est-à-dire un village abandonné de ses habitans! Combien de voyageurs, à l’aspect des décombres qui finissent par s’étaler sur le sol, n’y ont vu que la marque des exactions des pachas!

Je me suis souvent demandé, en présence des nombreuses ruines de villages que j’ai eues sous les yeux, quels seraient les moyens de rendre à la prospérité un pays si riche par lui-même, tout en respectant les libertés municipales dont il n’a cessé de jouir. Plusieurs moyens se présentent évidemment à l’esprit : d’abord chercher à rendre plus personnels les versemens de l’impôt dans les mains du trésor, ou, en d’autres termes, laisser la répartition de l’impôt aux soins des cheiks, et le faire percevoir directement par l’état. On voit que par là l’action des usuriers serait réduite à se diviser à un point tel qu’elle resterait sans influence sur l’ensemble des intérêts de la commune; mais alors pourrait-on exiger en une seule fois le paiement de l’impôt de toute une année ? Ceci nous conduit à la perception par douzième, ou par sixième au moins. Cependant, s’il est des terres qui paient une quotité d’impôt foncier fixée d’avance, il en est d’autres qui paient la dîme des produits; ce ne serait donc qu’après avoir fait table aussi rase que possible qu’on pourrait arriver à établir d’autres usages et d’autres bases de perception. Le mieux, après tout, si l’on n’avait en vue que la destruction de l’usure, consisterait à créer une banque prêtant aux villages à 10 ou 12 pour 100, et se payant, soit par des remboursemens facultatifs, soit sur les récoltes. Toutefois, pour que la création d’une banque fût possible, il faudrait commencer par faire rapporter la prescription du Coran qui défend le prêt à intérêt, ce qui ne serait peut-être pas une entreprise facile.

Rien qu’à voir ce léger exposé des difficultés que présente la forme sous laquelle l’impôt devrait être perçu dans l’empire turc, rien qu’à examiner l’obstacle que l’islamisme oppose à la réduction du taux de l’intérêt, qu’il est parvenu à exagérer en croyant l’interdire, on sent ce qu’il faudra développer d’habileté, de science même, pour établir une bonne forme d’administration applicable aux états du sultan en général. Ce but atteint, resterait, en ce qui concerne la Syrie, à supprimer les exactions de toute sorte que se permettent les Bédouins, et principalement le brigandage qu’ils revêtent du nom de fraternité. Le moyen ne serait pas difficile à trouver, car il a déjà été employé dans le pays par les Grecs, par les Romains, par les califes et par Ibrahim-Pacha, qui lui-même avait commencé à le mettre en pratique : il consisterait à parquer sévèrement les Bédouins dans le désert proprement dit. Par là on affranchirait les populations sédentaires d’une infinité d’avanies, et de plus on forcerait en peu de temps ces mêmes Bédouins à respecter l’autorité de la porte, dont ils semblent ne tenir aucun compte maintenant. L’administration