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ayant toujours la même direction, et décrivant presque une égale ligne droite, ce qui a naturellement produit des vallées successives représentant toujours, de plus petit en plus petit, autant d’autres Becka. La première de ces vallées, qui Porte le nom de vallée de Zebdani, voit surgir de son sol un ruisseau qui la fertilise, et que Ton nomme le Barada. Rien de plus riche, de plus vert, de plus gai que la vallée de Zebdani. Les jardins y sont entourés de palissades et cultivés avec un soin qui en développe la fécondité. Lorsqu’à Damas on veut donner une idée de cette fécondité, on dit que le territoire de Zebdani produit cinquante sortes de raisins différens. Je suis loin d’avoir vérifié le fait, mais je sais qu’à Damas déjà, où l’on mange du raisin frais depuis le mois de juin jusqu’au mois de novembre, les espèces changent tous les quinze jours, et qu’en outre plusieurs espèces se présentent à la fois sur le marché.

La première pente du Barada a sa direction nord et sud; mais en quittant le territoire de Zebdani, il se porte brusquement à l’est, pénétrant dans une gorge rocheuse et abrupte, dont ses eaux bouillonnantes remplissent si complètement le fond, qu’en quelques endroits il reste à peine place pour le passage des hommes et des animaux. Au débouché de la gorge s’ouvre brusquement une vallée qui prend la forme d’un cirque à parois verticales et élevées, et dont le fond est occupé par un village nommé El Souck; ce fut autrefois une ville brillante, ayant des temples, des ponts monumentaux dont on voit les restes, et qu’on appelait Abila. El Souck n’est par lui-même qu’un amas de maisons blanches dans un frais jardin; mais l’eau du Barada, portée par des canaux à droite et à gauche sur des pentes cultivables, développe, à partir de ce point, une culture plus grande, et qui donne un avant-goût de ce qu’on verra plus tard à Damas. Une des particularités de ce village, c’est que les murailles de rochers qui l’entourent à une si grande élévation sont, dans toute leur hauteur, percées d’innombrables tombeaux où l’on n’arrive qu’avec des difficultés extrêmes. La rareté des tombeaux aux alentours de Damas nous autorise à penser que les anciens habitans de cette ville devaient avoir leur sépulture autre part que dans ses environs immédiats, et Souck se présente tout d’abord à l’esprit comme la nécropole des anciens Damasquins. Ce qui justifie cette destination attribuée à Souck, c’est que le sol ici aurait manqué peut-être à l’établissement d’une population en rapport avec le nombre des sépultures voisines. On est également porté à croire que, comme le Barada ne commence qu’à Souck même à répandre sur une large échelle le bienfait de ses eaux, le paganisme avait dû sanctifier ce coin de terre en reconnaissance du bienfait, et l’aspect des lieux vient encore à l’appui de cette présomption, car le principal temple de