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L’ANGLETERRE
ET
LA GUERRE


L’Angleterre traverse en ce moment une crise extérieure et une crise intérieure. Elle a déjà passé par de pareilles épreuves ; elle s’est tirée d’affaire autrefois, elle s’en tirera probablement encore aujourd’hui. Elle a, pour se guérir, une méthode qui pourrait être dangereuse pour une constitution moins robuste que la sienne, mais qu’elle s’applique avec une admirable confiance. Elle ne se dissimule jamais la gravité de son mal ; elle se prend elle-même pour sujet, s’étend sur la table, se dissèque et s’anatomise, appelant le monde entier à cette leçon de clinique. Cette publicité sans bornes, sans réserve et sans pitié est par elle-même une preuve de force ; un peuple qui se traite aussi énergiquement est sûr de se relever.

Exclusivement livrée depuis quarante ans aux travaux de la paix, dispensée par sa position géographique de la nécessité d’entretenir un établissement militaire permanent, l’Angleterre a été prise au dépourvu par la guerre. Son gouvernement et son parlement n’étaient pas plus en mesure d’entrer en campagne que ne l’était son armée. Non-seulement elle n’était pas prête pour la guerre, mais quand la guerre est venue, le gouvernement était précisément dans les mains des hommes qui étaient les représentans naturels du parti de la paix. L’objet de la coalition qui avait réuni dans le même cabinet lord Aberdeen, le duc de Newcastle, sir Jambes Graham, M. Gladstone