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caisses de prévoyance ont eu l’heureuse idée d’étendre leur sollicitude sur l’instruction de la classe ouvrière qui appartient aux charbonnages. Une de ces institutions, la caisse du Hainaut, fournissait à elle seule, en 1853, un subside de 12,828 francs pour l’éducation de 5,363 enfans des deux sexes admis gratuitement dans les écoles. Ces écoles ont, selon nous, le tort d’être dirigées par des congrégations religieuses. La bienfaisance, si bienfaisance il y a, ne doit point arborer de drapeau politique; or, en Belgique, la cause du catholicisme est trop souvent devenue celle d’un parti. En somme, des institutions qui font aujourd’hui des recettes d’un million par an, qui répandent en secours plus de 900,000 francs, qui comptent près de 60,000 affiliés parmi la classe ouvrière, méritent à coup sûr d’être encouragées par l’opinion publique, et il est à regretter que les caisses de prévoyance en faveur des ouvriers mineurs manquent à la France. En 1850, un ministre belge, ému par le spectacle d’un terrible événement qui venait de priver de la vie soixante-seize ouvriers dans une mine non associée, se demanda si la loi devait reculer devant le caprice ou la mauvaise volonté de quelques exploitans, et s’il ne conviendrait pas de rendre l’assurance obligatoire pour les cas d’accidens. Ce projet rencontra une résistance formidable parmi les conseils d’administration, et les directeurs de mines s’abritèrent sous le drapeau de la liberté de l’industrie. Au reste, ce que le ministre voulait faire par la loi se fait ici par le progrès des mœurs et des lumières : sur cent ouvriers, on n’en compte que deux ou trois qui ne soient point assurés.

La classe des hommes employés à l’extraction de la houille est intéressante par les dangers qu’elle brave constamment; ne fût-ce qu’à ce titre, elle mériterait une place honorable dans l’histoire du travail au XIXe siècle. On dit à cela que le salaire des ouvriers mineurs est en raison des accidens auxquels la profession les expose, comme si l’argent pouvait être dans aucun cas une compensation à la vie humaine! Quelques chiffres vont d’ailleurs nous éclairer sur la nature et sur l’élévation croissante de ces salaires. Les statistiques du gouvernement constatent que de 1841 à 1845 la moyenne de la journée pour tous les ouvriers des mines, hommes, femmes et enfans, a été de 1 fr. 45 cent.; de 1846 à 1850, cette moyenne s’est abaissée à 1 fr. 17 cent.; elle s’est relevée de 1850 à 1853. Depuis un an, l’industrie des charbonnages a pris un essor qui a dû nécessairement augmenter de beaucoup le prix de la main-d’œuvre. Les registres de la société des charbonnages réunis, établie à Charleroi, témoignent que la moyenne de la journée de travail, qui, en 1848 et 1849, était de 1 fr. 32 cent, avait atteint au mois de décembre dernier (1854) le taux de 2 fr. 57 cent. Ces chiffres démontrent que les salaires des