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physique du pays, à l’abondance de ses mines, à l’étendue et à la puissance de ses carrières. En Belgique, l’étude du terrain houiller se trouve liée par un ensemble de rapports avec le caractère des populations que le fait des lois géographiques a, pour ainsi dire, entées sur l’exploitation du charbon de terre.


III.

L’excentricité des mœurs et des coutumes varie selon la nature des occupations auxquelles se livrent les différens corps d’état. La classe des mineurs constitue dans la population ouvrière de la Belgique une classe à part : ils ne portent point, comme en Allemagne, un costume ; mais on distingue un mineur entre mille à son teint livide, à son air un peu farouche, à sa démarche lente et courbée. Cet homme qui ne voit le jour qu’une fois par semaine, qui respire noir, selon l’expression d’un auteur anglais, qui se mêle peu au commerce des autres hommes, doit nécessairement acquérir, au physique comme au moral, des traits particuliers. Il faut d’ailleurs distinguer, parmi les membres de cette intéressante population souterraine, les ouvriers éventuels de ceux chez lesquels la profession est héréditaire, — des mineurs de sang, comme on les appelle dans le pays wallon. Ces derniers sont les véritables enfans de la mine ; ils y sont nés, pour ainsi dire ; ils l’aiment. Les autres au contraire travaillent à la houille par raison, non par goût ; cette vie nocturne, la sinistre profondeur des puits, les dangers du métier, tout les rebute : ce sont les étrangers, les intrus, les Flamands. Ils descendent dans le fossé comme le loup sort du bois, poussés et conduits par la faim ; mais, dès que reviennent les beaux jours, ils reprennent le grand air, la vie des champs, le travail au soleil.

La classe des mineurs belges est généralement ignorante, tenehrœ tenebras vocant. Ceux qui savent lire, écrire et compter décemment constituent une exception assez rare ; cela tient à ce que les travaux manuels les enlèvent de bonne heure aux écoles. Dès qu’un enfant de charbonnier, fille ou garçon, a atteint sa onzième ou sa douzième année, dès qu’il a fait, comme on dit ici, sa première communion, il va travailler au jour ou dans l’intérieur de la mine. À cet âge, en effet, l’enfant représente déjà une valeur industrielle : l’enfant, c’est un franc par jour ; on l’emploie à ouvrir et à fermer les portes des galeries souterraines, à pousser les wagons sur les rails, à soigner les lampes. Tout cela n’est pas précisément de nature à développer son intelligence. L’ignorance est fille de la démoralisation : si nous en croyons les rapports qui nous ont été faits par des directeurs de mines et des surveillans, la vertu des