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raison de la distance du sol, mais il a été reconnu que cet accroissement ne suivait point la même loi sur tout le globe; la chaleur est souvent trois ou quatre fois plus grande dans un pays que dans un autre, et ces différences ne sont point toujours en rapport avec les latitudes et les longitudes des contrées où les observations ont été faites; il existe donc, si l’on ose ainsi dire, des climats souterrains. En Belgique, chaque fois qu’on descend de trente mètres dans le sein de la terre, le thermomètre s’élève d’un degré. Les causes de ce dégagement de chaleur souterraine ont été cherchées; les savans et les hommes pratiques ont rapporté l’élévation de la température qui règne dans les mines à la présence des ouvriers entassés dans ces lieux, à la combustion des lampes, à la condensation de l’air qui descend de la surface dans les galeries, aux actions chimiques exercées sur les pyrites, les bois et les houilles, enfin à l’existence d’un feu central. On a calculé que, si l’élévation de la température observée dans les profondeurs accessibles à l’homme se continuait dans l’intérieur du globe, nous rencontrerions, à la profondeur d’à peu près 9 lieues, le point où le fer et presque toutes les autres substances minérales coulent comme de l’eau. L’étude des mines de charbon a donc un rapport direct avec les causes qui produisent les volcans et les tremblemens de terre; elle est destinée à résoudre par des faits l’hypothèse, vraie ou fausse, admise par le plus grand nombre des savans, que notre globe est encore à cette heure un océan de feu masqué par une simple croûte terreuse, dont l’épaisseur augmente d’ailleurs tous les jours, de la circonférence au centre, par suite du rayonnement de la masse lancée dans l’espace. Cet océan igné passe pour avoir été le noyau de notre planète, anciennement liquide. A une époque où il n’était encore recouvert que par une mince pellicule de granit, il devait contribuer pour une large part à la richesse et à la beauté de la flore carbonifère. Astre souterrain de la végétation, ce feu central aurait en effet répandu à la surface de la terre une température élevée, uniforme; il aurait, en un mot, égalisé les climats dans un temps où notre monde, doué d’une chaleur propre, n’était pas encore devenu, du moins au même degré, ce qu’il est maintenant, le parasite du soleil.

Telle est l’histoire que nous raconte dans un langage obscur, mais fidèle, l’intérieur des mines de houille. Ces pages, arrachées au livre des antiquités de la nature, ont un rapport direct avec la géographie actuelle des pays dont nous habitons la surface. Dans les couches successives que la géologie contemple, il existe une véritable unité de système; il n’y a, on peut le dire, ni nature antédiluvienne, ni nature postdiluvienne ou historique; il n’y a qu’une nature dont les âges et les formes se succèdent comme les événemens de la vie