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La tourbe s’engendre sous l’eau ou tout au moins dans les endroits bas et humides; elle naît de la décomposition des mousses, des joncs, des roseaux; comme le charbon de terre, elle alimente, notamment en Hollande, les foyers domestiques. La tourbe serait de la houille, si elle était produite par les mêmes plantes bitumineuses sous une température tropicale, et surtout si elle était recouverte d’une forte masse de sable : sous cette pression, en effet, une chaleur énorme se dégagerait, et la minéralisation des matières végétales deviendrait complète. La vue des lieux confirme entièrement cette théorie : l’action volcanique a laissé des traces dans les houillères; de distance en distance, le terrain est déchiré de bas en haut par des lézardes que, dans le langage des mineurs, on appelle dykes, failles, et dont l’origine violente est attestée par une solution de continuité dans l’allure des couches. Tout porte donc à croire que la houille s’est d’abord formée sous une lame d’eau, puis qu’ensuite elle a été soumise à une grande pression et à une forte chaleur. Cette action centrale a surtout modifié d’une manière sensible les anciens dépôts. En Belgique, les couches de houille sont d’une qualité d’autant plus grasse qu’elles se rapprochent davantage de la surface du sol, et d’autant plus maigre qu’elles s’enfoncent plus avant dans la terre. Le charbon maigre étant plus ancien que le charbon gras, on peut suivre sur place la dégradation de l’influence ignée. Il y a même des cas où l’on peut dire que la nature avait en quelque sorte précédé l’homme dans la fabrication du coke. Il existe dans la Grande-Bretagne un gisement houiller traversé par un dyke volcanique qui a transformé la houille, comme la transforment nos fours actuels par l’action de la flamme.

Quoi qu’il en soit des actions chimiques auxquelles se rapporte l’origine de la houille, il est un fait sur lequel tout le monde tombe d’accord : c’est l’inépuisable libéralité de la terre à l’époque où elle faisait pour ses habitans futurs une si riche provision de combustible. La quantité de matière végétale qui a été nécessaire pour déposer les veines de houille contenues dans le seul bassin de la Belgique tient vraiment du prodige. On a calculé, en effet, qu’une futaie de la plus belle venue, qui couvrirait la France entière pendant un siècle, serait loin de contenir autant de carbone qu’une couche de houille d’un mètre et demi d’épaisseur, étendue dans les bassins connus jusqu’ici. Or, en Belgique comme en Angleterre, les couches s’enfoncent sous les couches, sans que l’on sache au juste où s’arrête l’extrémité de l’assise houillère. Du côté de Charleroi, on présume que le fond du bassin est à 1,800 mètres de la surface du sol; les puits ne descendent encore qu’à 600 mètres, et le directeur de la principale exploitation houillère nous disait : « Après moi, on fera ce qu’on voudra; mais,