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Si, des roches qui composent le terrain houiller, nous passons à la houille elle-même, les mines auront de nouveaux faits à nous révéler touchant l’histoire de notre planète. Le charbon de terre est évidemment d’origine végétale; mais le procédé naturel en vertu duquel les plantes sont passées à l’état de combustible minéral demeure obscur. Parmi les géologues, les uns ont supposé que des forêts entières avaient été ensevelies sur place; d’autres ont cru que les couches de houille avaient été formées tranquillement, à distance des grands centres de végétation, dans des bassins où les arbres étaient entraînés avec leurs feuilles et leurs racines par le cours des fleuves. Ce dernier mécanisme n’est point inconnu dans la nature actuelle : il existe en Amérique des cours d’eau qui charrient à leur surface de vastes pièces de bois, des débris de forêts; toutes ces dépouilles végétales, barrées par la glace ou par des bancs de sable, s’arrêtent, s’engloutissent, s’entassent les unes sur les autres, et forment des accumulations d’une puissance considérable. Ces amas de matière végétale s’élèvent peu à peu en petites îles sur lesquelles croissent des saules et autres arbres aquatiques, dont les racines concourent à lier la base terreuse, de plus en plus solide, d’une nouvelle forêt. La matière de ces dépôts varie selon le degré d’ancienneté : les troncs d’arbres enterrés s’altèrent graduellement, et finissent par se convertir en une substance noirâtre qui conserve encore plus ou moins la structure fibreuse du bois, mais à laquelle il ne manque qu’une infiltration de bitume pour revêtir tout à fait l’aspect du charbon de terre. Ces faits sont de nature à nous éclairer sur l’origine de la houille : quand on veut retrouver des rapports entre les lois du monde primitif et les lois du monde actuel, ce n’est point dans les pays modifiés par la main de l’homme qu’il faut chercher ces rapports; c’est au milieu des déserts, où la nature est entièrement maîtresse de ses actes.

La substance des grands arbres est sans doute entrée pour une certaine proportion dans l’origine de la houille; mais rien ne prouve que les fougères, les stigmaria, les lépidodendrons et les autres géans de l’ancienne végétation aient seuls concouru à former le combustible minéral. La plupart des géologues s’étonnent qu’on ne découvre pas dans le terrain houiller des traces de plantes herbacées, de lichens, de mousses : l’absence de ces petits végétaux sur les feuillets de schiste s’explique par une raison très simple, c’est qu’ils ont vraisemblablement fourni la matière du charbon de terre. Il n’y a aucune raison de supposer aux mondes primitifs des forces occultes, merveilleuses, surnaturelles : il faut chercher l’explication de ce qui s’est passé jadis sur le globe dans le spectacle de ce qui se passe encore à la surface du monde actuel; les houillères ont dû se former comme se forment aujourd’hui sous nos yeux les tourbières.