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Angleterre[1]. — Le charbon que le mineur vient d’arracher à la veine est conduit à bras ou par la force de gravité dans les galeries de roulage : là il circule dans de petits wagons de tôle qui posent sur des voies ferrées. Il ne faut pas oublier que c’est l’exploitation de la houille qui a créé les chemins de fer. Les premiers rails ont été inventés pour le service des mines : c’étaient plutôt, il est vrai, des chemins de bois que des chemins de fer; mais l’enfance des grandes découvertes s’annonce de loin et souvent par de bien faibles commencemens. — Le transport intérieur de la houille s’accomplit à l’aide de deux espèces de moteurs, la force humaine et la force animale. La force humaine est représentée par des enfans de douze à treize ans, filles et garçons, qui poussent et dirigent sur les rails les trains de charbon de terre. A Mariemont, on exclut les femmes des travaux intérieurs de la mine : elles sont au contraire employées à Charleroi dans la proportion de 180 sur 1,000 ouvriers. Il y a, disons-le tout de suite, quelque chose de pénible pour le moraliste à voir ces pauvres créatures confondues avec les hommes dans l’obscurité, revêtues comme eux d’habits de travail qui leur donnent un air tristement grotesque, et attelées ni plus ni moins que des bêtes de somme à de noirs fardeaux qu’elles traînent silencieusement.

La force animale consiste dans le service des chevaux et des ânes. On emploie volontiers à titre de traineurs ou de rouleurs des chevaux de petite taille, des poneys d’Ecosse, récemment introduits en Belgique. Ces animaux se portent bien et ne semblent point souffrir de la privation de la lumière : on admire la beauté de leur poil toujours lisse; plusieurs d’entre eux, entrés maigres dans la mine, sont aujourd’hui gras et florissans. L’intelligence de ces animaux est remarquable : quelques-uns deviennent aveugles, mais ils n’en continuent pas moins leur service, sans qu’on soit obligé de les guider avec la main; tout ce qu’ils perdent, ou peu s’en faut, à cette cécité, c’est de ne plus voir la nuit. Une fois descendus dans la fosse, ils n’en remontent que pour cause de vieillesse ou dans les cas de maladies fort graves ; souvent ils meurent là. Nous avons visité leurs écuries, dont quelques-unes sont assez spacieuses, et revêtues, non sans un certain luxe, d’un boisage ou d’un muraillement. Malgré tous ces avantages, on est porté à s’attendrir sur le sort de ces animaux pour lesquels le soleil n’existe plus, ni la plaine verte, ni les sources cachées sous l’herbe, ni le libre espace où un souffle de vent jouait dans leurs crinières.

Le transport au jour s’exécute au moyen d’une machine à vapeur

  1. On calcule à Charleroi que le boisage grève l’extraction de la houille de 7 cent. 1/2 par 100 kilogrammes : c’est, pour une seule exploitation, une dépense de plus de 200,000 francs par année.