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les mines de houille; il serait d’ailleurs insuffisant pour répandre la vie sur des travaux étendus et profonds. On a donc été obligé de recourir à l’aérage mécanique. A Mariemont, il existe un ventilateur animé de deux mouvemens en sens contraire : une roue à palettes introduit, en tournant, de l’air frais dans la mine; quand cette même roue s’agite dans un sens opposé, elle tire par seconde 15 mètres cubes d’air vicié, lequel sort à 22 degrés d’échauffement. Grâce, si l’on peut s’exprimer ainsi, à ces poumons artificiels, grâce en même temps à la direction intérieure des courans atmosphériques, la main de la science a su distribuer à toutes les profondeurs cette ration d’air faute de laquelle les hommes meurent, les lampes s’éteignent. Plus on examine en détail les moyens par lesquels l’homme s’est rendu supérieur à la nature, et plus on reste confondu devant la puissance des appareils qui forment pour ainsi dire les organes de la mine. C’est par ces machines en effet qu’elle fonctionne, qu’elle respire, qu’elle vit, car, aux yeux des ouvriers, la mine constitue un être : elle a un nom, elle jouit d’une personnalité matérielle.

Les travaux accomplis dans les mines de charbon de terre peuvent se diviser en trois temps : l’extraction de la houille, le transport intérieur et le transport au jour.

Les procédés d’extraction sont calqués sur le gisement et sur l’épaisseur des veines. En Belgique, les couches de houille sont plus remarquables par leur nombre, par la continuité et la régularité de leur allure que par leur richesse. A Mariemont, la plus forte veine n’a que 1 mètre 26 centimètres de surface, tandis qu’il existe en Angleterre et en Amérique des veines de 10, de 20 et même de 30 mètres. Ces bancs de houille sont encaissés dans des masses de schiste, de grès et autres roches dont le ciseau du mineur doit les détacher. Il faut avoir pénétré jusqu’aux chantiers de travail souterrain pour se rendre compte des fatigues et des peines que coûte à l’homme la conquête du charbon. Là, sous une atmosphère chaude et lourde, à la clarté des lampes, des ouvriers prennent les diverses postures qu’exige l’attaque de la veine; les uns pliés sur les genoux, les autres courbés sous les entablemens, véritables cariatides de l’industrie, les autres enfin couchés sur le dos, armés d’un pic et la face exposée à l’ennemi, poussent, chassent, percent, creusent les bancs de houille insérés dans la roche. De ces poitrines humaines sort, à temps égaux, le râle athlétique de la force vivante aux prises avec l’inertie de la matière. A mesure qu’on avance, on boise les vides que l’extraction vient d’ouvrir. La faiblesse des couches, la difficulté de les atteindre à de grandes profondeurs, l’énorme quantité d’étais qu’exige le soutien des voûtes, tout cela explique comment le prix de la houille est plus élevé en Belgique qu’en