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forces de la nature. Cette alliée puissante a introduit une révolution dans l’art de travailler les mines; elle a d’ailleurs appelé l’attention sur la valeur industrielle de la houille. En 1790, les mines étaient encore dans l’enfance de la production; de 1803 à 1805, les charbonnages belges se développèrent, mais faiblement; de 1830 à 1832, l’industrie houillère, comprimée par les événemens politiques, reprit en 1834 un élan auquel l’esprit de liberté ne fut point étranger; de 1839 à 1854, l’extraction annuelle s’est élevée de 3 millions à 6 ou 7 millions de tonnes. Ainsi notre siècle a vu naître le mouvement des mines, cette industrie mère des autres industries, qui donne des ailes à la navigation, une force ouvrière aux machines, et aux chemins de fer l’aliment journalier de la vitesse.

La plupart des économistes ont dit que la houille était l’âme de l’industrie : c’est donner à l’industrie une âme bien noire et bien matérielle; contentons-nous de la regarder comme l’alliée indispensable de la vapeur. Ainsi vue, elle aura encore des droits suffisans à notre attention. En Belgique, l’exploitation de la houille est arrivée dans ces derniers temps à un degré de prospérité qui ne peut guère que décroître : depuis un an, le prix du charbon a presque doublé; les mines ont été le théâtre d’une activité prodigieuse qui ne répondait même point encore à l’étendue des besoins et des demandes. Cette prospérité tient à plusieurs causes, parmi lesquelles il faut placer en premier lieu le développement de l’industrie sidérurgique : le fer et la houille sont frère et sœur, l’un ne marche pas sans l’autre. Le temps n’est plus où un roi d’Angleterre prohibait l’usage de la houille, parce que la vente de ce combustible pouvait nuire au commerce des bois, dont les environs de Londres étaient encore couverts. Aujourd’hui que les forêts voisines des grandes villes n’existent plus, si ce n’est sur les anciennes cartes, on se demande avec quoi les populations du nord se chaufferaient, si la Providence ne leur eût ménagé dans ce temps-ci la découverte des grands gîtes carbonifères. L’extraction du combustible minéral est d’ailleurs subordonnée à l’existence des voies de communication sur terre et sur eau : le développement des mines a depuis vingt ans suivi pas à pas le progrès des canaux et des chemins de fer; la houille nourrit les chaudières, et les chaudières, en portant au loin cet élément de l’industrie, agrandissent le marché de la houille. Avec une superficie houillère de 150,000 hectares seulement, la Belgique produit annuellement plus de combustible que la France avec une étendue de 300,000 hectares. Une partie de cette richesse minérale se consomme sur place; mais plus d’un tiers est livré à l’exploitation étrangère. La question des charbonnages belges est une question toute française. En 1853, il a été envoyé du Hainaut en France par le canal de Mons, par la