Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remplissait toute la vallée qui sépare le Palatin de l’Aventin. Si, comme le dit Denis d’Halicarnasse, Tarquin l’Ancien, qui le construisit, fit disposer des sièges à l’entour, de telle sorte que les spectateurs fussent à couvert, il y aurait eu dans ce soin une recherche de comfortable qui montrerait déjà une civilisation assez avancée. De ce cirque immense, qui, successivement agrandi, finit par contenir plus de trois cent mille spectateurs, il ne reste que l’emplacement, facile à reconnaître entre les deux collines et la base de quelques gradins. C’est aujourd’hui une rue ou plutôt un chemin agreste qui conduit vers une des portes de Rome. Que de fois, en suivant à pas lents ce chemin, j’y ai écouté, à travers le silence du soir, retentir dans un passé lointain le tumulte et les applaudissemens de la foule qui le remplissait autrefois !î Je n’y voyais que des charrettes arrêtées au bout du chemin, là où étaient les chars qui attendaient le signal pour s’élancer dans la carrière. Quelquefois un homme de la campagne, debout et fièrement campé sur une de ces charrettes qui fuyait dans la poussière, m’offrait une faible image de ces courses dont les Étrusques introduisirent l’usage à Rome.

Le cirque aboutissait au pied du Cœlius. Cette colline, moins célèbre que le Capitole, le Palatin, le Quirinal, a aussi une curieuse histoire à raconter. Son nom rappelle cette histoire. Le nom du Cœlius vient de Cœle Vibenna, guerrier étrusque qui y fut enseveli. Selon les uns, ce Cœle Vibenna conduisit les auxiliaires étrusques qui vinrent au secours de Romulus : Tacite le place sous Tarquin l’Ancien ; mais une autorité bien plus grande en cette matière, celle de l’empereur Claude, qui avait écrit une histoire d’Étrurie, nous fait connaître que Cœles ou Cœle Vibenna était le compagnon d’armes d’un chef étrusque appelé Mastarna, lequel était venu s’établir sur le Cœlius, et gouverna Rome après Tarquin l’Ancien sous le nom de Servius Tullius.

Ainsi, après Romulus, les Romains n’auraient pas eu un roi de leur nation, mais deux souverains sabins, Numa et Ancus Martius, et quatre souverains étrusques, les deux Tullus ou Tullius et les deux Tarquins. Ceci prouve encore combien peu de chose était en commençant le peuple romain. Du reste, un phénomène historique analogue s’est produit dans le pays qui présente les rapports de destinée les plus sérieux avec les Romains. Cette circonstance fortuite n’a point nui et peut-être même a aidé à la grandeur de ce pays. L’Angleterre, depuis les rois bretons, n’a jamais eu de souverains dont l’origine ne fût au moins en partie étrangère : les rois saxons, les rois normands, les Plantagenets angevins, les Tudors gallois, les Stuarts d’Ecosse, Guillaume, qui était Hollandais, et la branche d’Hanovre, qui est allemande.

Mais retournons au Cœlius, et nous plaçant sur cette colline qui