Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/1170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette prison sont entièrement semblables aux murailles étrusques; elles semblent attester la présence des Étrusques à Rome. D’autre part, le nom d’une partie du cachot, tullianum, porte à le rapporter à Tullus Hostilius[1]. De là me semble résulter que Tullus Hostilius pourrait bien être lui-même d’origine étrusque. Ce nom d’Hostilius semble indiquer un étranger, car, par une alliance d’idées qui se conçoit sans peine aux époques où tout étranger est ennemi, le mot hostis, qui plus tard voulut dire ennemi, avait dans l’origine le sens d’étranger, Tullus paraît être un nom étrusque. Ce nom se retrouve peu altéré dans celui du roi Servius Tullius, qui, nous le verrons, a été certainement étrusque, et dans celui de sa parricide fille Tullie.

Tullus Hostilius serait donc un chef étrusque, le premier de ceux qui régnèrent à Rome. Selon Aurelius Victor, il fut choisi à cause des services qu’il avait rendus contre les Sabins. Selon Zonaras, il abolit la plupart des coutumes établies par Numa, ce qui indiquerait une réaction violente contre les institutions sabines. Tullus Hostilius se serait mis à la tête d’un soulèvement qui aurait délivré les Romains de la domination que les Sabins leur avaient imposée sous Numa. Après Tullus Hostilius, les Sabins reprirent le dessus, et un homme de leur nation, Ancus Martius, régna sur Rome, ce qui montre encore combien était décidée, depuis la lutte des deux peuples sous Romulus, la prépondérance des Sabins. L’appui donné contre eux aux Romains par Tullus Hostilius, en supposant celui-ci étrusque, s’accorderait très bien avec un récit selon lequel des auxiliaires d’Étrurie, commandés par un Hostilius, grand-père de Tullus, seraient déjà venus en aide à Romulus dans sa guerre contre Tatius. Tout cela montre l’intervention fréquente de l’Étrurie dans les premières destinées de Rome. Rien de plus naturel que des chefs appartenant à la grande nation voisine aient deux fois soutenu la cause du peuple nouveau contre les Sabins, plus puissans et par conséquent plus dangereux. Ces alliances auraient préparé l’accession au trône de Tarquin l’Ancien, qu’on regarde généralement comme le premier roi de Rome venu d’Étrurie[2].

Cette conjecture, qui m’a été suggérée par le nom et l’aspect du plus ancien monument de Rome, est confirmée par ce que l’on raconte

  1. Je sais qu’on l’a attribué à Servius Tullius, de populaire mémoire, ce qui est très invraisemblable. J’aime mieux, avec Varron, penser que le tullianum a pour auteur Tullus Hostilius (Varro, De Linguâ latinâ, Egger, § 151). Varron dit que le roi Tullus ajouta cette partie inférieure de la prison, mais la construction des deux chambres est semblable et également étrusque.
  2. L’origine étrusque de Tullus Hostilius expliquerait encore comment ce roi a pu laisser la réputation d’un grand bâtisseur, et comment on a pu lui attribuer plusieurs monumens d’une construction évidemment postérieure : les septa, où avaient lieu les votes populaires, les comices et la curie.