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nouveaux régimens qui étaient répartis entre les trois provinces de l’Algérie. Il fut plus tard décidé qu’ils seraient armés de fusils rayés.

Ces dispositions étaient bonnes. En accroissant le nombre des troupes spécialement affectées à l’Algérie, on pouvait y retenir plus aisément les officiers et les soldats auxquels le climat et le genre de vie convenaient, ou qui pouvaient y rendre des services particuliers; on rendait les diminutions d’effectif moins périlleuses, on facilitait le noviciat des régimens envoyés de l’intérieur. Sans doute il y avait une mesure à garder. Les zouaves, devenus trop nombreux, auraient perdu leur esprit de corps; les qualités qui leur sont propres se seraient effacées. Les troupes qui servent la France sur les deux rives de la Méditerranée ne doivent faire qu’une seule et même armée; bien des raisons le démontrent. Le service en Afrique n’est pas sans utilité et sans enseignemens pour nos régimens de ligne. Enfin notre position en Algérie a son importance stratégique pour de grandes opérations, même hors d’Afrique; ce qui se passe aujourd’hui le prouve assez; l’armée que la France y entretient n’est pas perdue pour elle. Mais, nous le répétons, le décret du 13 février 1852 ne paraît pas avoir altéré les proportions qu’il importait de ne pas troubler. Il fut d’ailleurs habilement exécuté; de vieux zouaves, d’anciens Africains, fournirent presque tout le personnel des cadres, et le recrutement fut bien fait. Quant à la modification introduite dans l’armement des zouaves, elle était des plus heureuses. Le fusil rayé, produit des épreuves qui depuis vingt ans se succèdent à Vincennes dans le polygone et en Afrique devant l’ennemi, unit la justesse la plus parfaite à la plus redoutable portée; il se charge aussi facilement que le fusil de munition; il a son calibre, son poids; il peut être aussi bien employé en ligne qu’en tirailleurs. En le donnant aux zouaves, on doublait l’efficacité de leurs services.

L’expérience, ce juge souverain, ne tarda pas à prononcer. Dans l’année même, un beau fait d’armes fut le début des nouveaux régimens. La guerre, qui depuis six ans avait cessé d’être générale, se ranimait encore quelquefois, nous l’avons déjà vu, dans la Kabylie ou dans le désert; les montagnards comptaient sur leur nombre, sur leurs forêts et leurs rochers, les gens du sud sur la difficulté des distances et des vivres, et sur les obstacles sérieux que présentent leurs oasis, très boisées aussi, coupées de canaux et de digues. — Des chériffs, des agitateurs subalternes exploitaient souvent le goût d’indépendance des premiers, la légèreté des seconds, la crédulité de tous. Vers la fin de 1852, un de ces chériffs parvint à insurger la ville de Laghouat, oasis considérable située à plus de quatre-vingts lieues d’Alger, et qui fut bientôt remplie d’aventuriers de toute sorte; il y