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dans la vallée du Chéliff, où il trouva l’occasion de remporter de si brillans avantages. Un soldat de la trempe du général Bugeaud ne pouvait manquer d’apprécier les zouaves. Il voulut les emmener lorsqu’il se rendit, au mois de mai, dans la province d’Oran. Cependant il consentit à en laisser un bataillon au général Baraguey-d’Hilliers, qui avait aussi des opérations importantes à conduire dans la province d’Alger. Les zouaves concoururent ainsi, sur plusieurs points, à la plupart des actions remarquables de la campagne de 1841.

La guerre d’Afrique prenait de grandes proportions; la chimère de l’occupation restreinte était abandonnée. Le gouvernement s’était décidé à renverser l’édifice d’Abd-el-Kader; les chambres lui en avaient fourni largement le moyen, et un capitaine illustre, secondé par d’habiles lieutenans, poursuivait cette véritable conquête de l’Algérie avec autant de bonheur que d’esprit de suite et d’activité. Des renforts de tous genres furent envoyés au gouverneur-général, et dans cet accroissement de ressources les zouaves ne furent pas oubliés. Une ordonnance royale du 8 septembre 1841 porta le régiment à trois bataillons, et lui constitua un état-major complet, semblable à celui de tous les régimens d’infanterie. Une seule compagnie par bataillon pouvait recevoir les indigènes; encore ceux-ci y figuraient-ils en petit nombre, et n’y étaient-ils conservés, en quelque sorte, que pour justifier le nom et l’uniforme particulier du corps. L’expérience avait démontré que si l’action des officiers français sur des populations ou des soldats arabes était des plus salutaires sous tous les rapports, le mélange des soldats des deux races donnait des résultats moins satisfaisans. Ils prenaient un peu des vices des uns et des autres, sans échanger leurs qualités. Et puis, le soldat en Afrique a deux devoirs : le combat et le travail; il était difficile d’obtenir le second des indigènes, et l’on ne pouvait, dans une même troupe, forcer le chrétien à prendre la pioche en présence du musulman oisif. On jugea donc à propos de créer, sous le nom de tirailleurs indigènes, des corps spéciaux d’infanterie, où les Français n’occupent qu’une partie des emplois d’officiers et de sous-officiers. Ces bataillons, commandés par des chefs habiles, intrépides, versés dans la connaissance de la langue arabe[1], ont montré, après des vicissitudes diverses, et montrent aujourd’hui en Crimée qu’ils sont les dignes frères cadets des zouaves.

A peine le réglaient de zouaves ainsi accru et reconstitué avait-il reçu le drapeau qui lui avait été envoyé par le roi, que ses trois bataillons se séparèrent pour aller servir dans chacune des trois

  1. Parmi lesquels nous citerons les généraux Bosquet, Thomas, Vergé, Bourbaki.