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jour, le capitaine Gautrin, tué peu après à la tête du 2e bataillon d’Afrique, se faisait amputer deux doigts sur le champ de bataille sans quitter le commandement de sa compagnie. Et comment oublier ces zouaves, envoyés dans la chaude journée du 20 mai pour soutenir le 17e léger, écrasant à coups de pierres, faute de cartouches, les réguliers d’Ab-el-Kader, puis saluant de leurs acclamations les débris du 17e que ralliait le colonel Bedeau, couvert de glorieuses blessures, après une retraite qui n’avait été qu’une charge continuelle !

Le retour de la chaleur n’amena aucun repos pour les troupes; l’été et l’automne se passèrent à ravitailler les places que nous occupions, opération aussi difficile et aussi meurtrière que l’avait été la conquête. Le plomb de l’ennemi, le climat, les fatigues incessantes éclaircissaient les rangs des zouaves, et de justes récompenses leur enlevaient encore bien des officiers. L’état-major fut renouvelé. Au colonel Lamoricière, nommé officier général, à ses dignes seconds, les chefs de bataillon Regnault[1] et Renault[2], également promus, avaient succédé le lieutenant-colonel Cavaignac, les commandans Leflô[3] et Saint-Arnaud[4].

Si l’armée avait eu à élire le colonel des zouaves, son choix fût certainement tombé sur celui que le roi venait de nommer. L’héroïque défenseur du Méchouar de Tlemcen montrait depuis deux ans, dans le commandement difficile du 2e bataillon d’Afrique, toutes les qualités d’un excellent chef de corps, et tous ceux qui l’avaient vu à l’œuvre admiraient son caractère énergique, son esprit plein de ressources, et ce courage qui, pour être calme toujours, ne laissait pas d’être entraînant. Les nouveaux chefs de bataillon, jeunes d’âge quoique vieux de services, étaient comptés tous deux parmi les plus brillans capitaines de voltigeurs de l’armée. De nombreux enrôlemens comblaient les vides faits par la guerre, et les sous-officiers instruits, intrépides, ne manquaient pas pour remplir les vacances du corps d’officiers.

Lorsque le général Bugeaud débarqua à Alger, au commencement de 1841, il n’y trouva pas les zouaves. Ils avaient passé l’hiver aux avant-postes, à Medeah, où, grâce à leur industrie, à l’expérience et à la vigilante intelligence de leur chef, ils surent alléger les privations d’un blocus absolu. Le gouverneur-général alla les relever au mois d’avril, et les trouva toujours dispos, parfaitement en mesure de reprendre la campagne. Le régiment le suivit sur l’Atlas et

  1. Tué à Paris colonel du 48e en juin 1848. C’était le second colonel tué à la tête de ce brave régiment. Une balle kabyle lui avait enlevé le colonel Leblond en 1842.
  2. Aujourd’hui général de division.
  3. Aujourd’hui général de brigade en retraite.
  4. Mort en Crimée maréchal de France, après la belle victoire de l’Alma.